Réaction à la lettre de Dorothée Weil du mois d’août en page 23.

A Bali, jusqu'aux années 90, les étrangers s'installaient par amour pour l'île. Un peu d'esprit d'aventure, beaucoup de débrouillardise, l'anglais des voyageurs, la volonté d'apprendre vite l'indonésien, ils ne cherchaient pas à s'intégrer mais plutôt à être autonomes dans ce pays si différent de chez nous.

En 2008 et ces dernières années, beaucoup de nouveaux arrivants semblent avoir échappé à leur petite vie pour venir s'enrichir à Bali, profiter d'une vie moins chère et grignoter leur petit morceau de paradis. Ils ne parlent pas ou peu anglais, ne sont pas intéressés par l'Indonésie et savent à peine que l'île est hindouiste… Ils se confient au premier venu parce qu'il parle leur langue… Ah, il faut dire qu'ils ont tellement peur pour leurs petites économies ou leurs gros sous !

Et puis ils râlent parce qu'ils se font arnaquer et ils dénoncent dans cette bonne Gazette, en croyant sans doute impressionner les escrocs notoires. Oui, nous les connaissons tous, au moins … ou …, des couples ou des célibataires. Il n'y a pas de tribut à payer quand on arrive contrairement à ce que pense Madame Weil, ni de jubilation de la part des anciens à voir les nouveaux se faire rouler.

Nous sommes nombreux à penser que la Gazette a donné une sorte de vitrine à la communauté française mais aussi belge et suisse mais ce n'est pas un ring où on peut se mettre dessus publiquement. S'il est impossible de régler son différend à l'amiable ou grâce à des avocats, il y a d'autres actions à mener, plus discrètes, et qui ont déjà fait leurs preuves.

Avant, l'info circulait entre nous parce que nous nous connaissions tous, jamais nous n'aurions pu nous laisser arnaquer par un membre de notre communauté. Nous n'avions pas besoin de saisir notre journal, d'ailleurs il n'y en avait pas… (heureusement, la Gazette est arrivée et on ne regrette rien).

Ce n'est pas parce que vos parents sont issus de la même ville qu'il faut se précipiter dans la gueule du loup… Faute d'avoir voyagé « à la roots », d'avoir suffisamment traîné en Asie, les nouveaux manquent de beaucoup de qualités pour tenir le coup ici, c'est pourquoi on en voit autant refaire leurs valises un an après leur arrivée, plumés ou carrément dépouillés. Espérons que l'expérience leur serve pour leur prochaine installation… ou peut-être leur prochaine vie !

P.T
Bonjour Socrate,

Merci de m’avoir permis de m’exprimer dans tes colonnes, sans rien couper, juste passé au correcteur d’orthographe, parfait ! Je te livre un autre petit couplet, cette fois sans coup de gueule, pour changer…

La Gazette de Bali, le journal qui en a ! Publier dans ses colonnes les élucubrations d’un lecteur aviné et aigri, ça se fait parfois. Mais quand celui-ci s’en prend aux annonceurs de ce journal, alors là, pas question ! La pub, dans un journal, c’est sacré, vital. Pas de pub, pas de sous, pas de publication ! C’est simple, sans appel. Alors, bien que je n’eusse jamais douté de l’intégrité, l’indépendance de notre mensuel favori, j’avoue que j’ai été épaté de me voir publié intégralement le mois dernier. En vingt ans de collaboration dans la pub et la presse, je n’avais encore jamais vu ça, sérieux !

Surtout que mes critiques étaient totalement « gratuites », sans fondement, n’engageant que moi et n’intéressant pas forcement les lecteurs. Toutes mes excuses à M. Tenace, c’est tellement rare de voir quelqu’un de sincère, qui n’emploie pas des arguments humanitaires pour vendre sa camelote. Car mes antennes se dressent et mes poils se hérissent quand j’entends habituellement de tels propos. Les pauvres rouleraient en Mercedes 500 et les orphelins seraient logés au Ritz si toutes les promesses de dons leur parvenaient…

Alors, amis annonceurs, vous qui nous offrez ce plaisir chaque mois, soyez certains que vos deniers ne sont pas gaspillés. S’exposer dans un media de cette qualité, c’est pas donné à tout le monde. Sans compter qu’ils publient des photos de nu, audace suprême en Indonésie et totalement hors la loi, critiquent les manies et vices de leurs compatriotes lecteurs, et j’en passe… Merci la Gazette, merci Socrate et son équipe, longue vie à vous, ne changez rien !
Cyril Terrien

PS. En fait si, tu pourrais changer ou plutôt améliorer les maquettes de certaines pubs…

L’ogre et le petit Bule ou chronique de l’arnaque ordinaire

La Gazette de Bali, par le courrier des lecteurs, a abordé dans son numéro du mois d’août le sujet des arnaques. Ces « Bule désargentés » ne sont pas les seuls à souffrir d’un système qui semble bien rodé. Quelques mois de vie à Bali et quelques rencontres permettent de faire l’amer constat de pratiques douteuses : la communauté française de Bali compte de nombreux escrocs.
De la rapine minable à la franche escroquerie, qui mènerait en France à l’ombre des cachots, tous les genres sont représentés. Hélas ici point de recours ; un procès ? La justice indonésienne n’a que faire des litiges entre Bule. Dans le meilleur des cas, un jugement favorable qui ne pourra jamais être exécuté et des frais qui viendront s’ajouter à la déjà lourde addition. Cette impunité est mère de toutes les audaces.
Il est difficile de faire le portrait de notre escroc, il est là depuis 17 ans ou depuis 2 ans, ici la malhonnêteté n’attend pas le nombre des années d’expatriation. Rassurant, il a souvent une gentille famille, même des enfants indonésiens adoptés ! Un être généreux qui a évité à ces malheureux une vie si difficile (l’adoption à Bali, c’est un autre sujet, on pourrait aussi en parler… ). Il roule en 4X4 noir à verres fumés (celui-là même que jalouse secrètement Rainer), ou seulement en bebek, il habite une maison pharaonique ou une charmante maison balinaise, en bref, impossible de faire le portrait robot de notre escroc.
Alors passons aux faits, tout d’abord la rapine, le préjudice est faible pour le petit Bule comme l’est le profit pour notre homme, mais la répétition du minable larcin doit quand même payer si l’on en croit le nombre d’anecdotes rapportées. La recette est toujours la même : prendre un Bule tout neuf, lui offrir une Bintang ou un déjeûner au Warung Murah. Il cherche à louer une moto, le voilà conduit chez Gede, un ami, qui lui réserve un tarif de faveur. En réalité deux fois le prix. Et Gede reconnaissant partagera le bénéfice avec notre sinistre. Il veut louer une maison, notre homme en a justement une sous la main, elle vient de se libérer et n’est vraiment pas chère, mais il faut sauter sur l’occasion car à ce prix à Bali les locations partent dans la journée ! Une belle commission pour notre minable et un engagement d’un an ou plus pour notre petit Bule qui constatera avec amertume plus tard que la maison n’est vraiment pas une affaire.
Les exemples peuvent être conjugués à l’infini, les meubles, les voitures, l’électroménager, les plantes, les langoustes, le vin et le champagne (et oui, on est français !), tout ce qui s’achète et se vend ! Ce système « gagne petit », aussi consternant soit-il, n’est rien à coté des graves escroqueries qui se pratiquent autour du rêve de tout un chacun. Une « maison à Bali », les rizières, les bale, les toits en bois et alang-alang. Que celui qui n’a pas rêvé de son petit paradis lève le doigt. Et pourtant combien de rêves anéantis ?
Ainsi l’histoire de cette famille, plusieurs voyages à Bali, des vacances de rêve, et la dernière fois, retrouvailles avec une connaissance rencontrée il y a quelques années dans un autre lieu de vacances. On avait échangé les adresses, on s’envoyait un email de temps en temps, on s’était trouvé des connaissances communes, il est vrai qu’on est de la même région. L’ami a pris sa retraite à Bali et réservera à notre famille, l’été dernier, le meilleur accueil. Tiens, comme ça se trouve ! Il vient d’acheter un magnifique terrain, si grand qu’il va le lotir, des amis et parents à lui sont déjà sur les rangs mais quelques ares sont encore disponibles. L’affaire est rondement menée, notre petite famille repart avec la certitude que les prochaines vacances seront réservées à la mise en œuvre du rêve balinais.
Bien sûr notre famille a envoyé un premier acompte substantiel à notre escroc, qui n’a pas manqué de lui dire qu’il commençait les travaux de bornage, de viabilisation de l’ensemble et faisait préparer les actes notariés. Notre petite famille a même rencontré en France ses futurs voisins balinais, tous connaissent depuis des années notre lotisseur, un ami, un homme qui a réussi et pris prématurément une retraite bien méritée, tous ont envoyé leur acompte.
La suite : le terrain n’a jamais appartenu à notre escroc, il annoncera la bonne nouvelle à la descente de l’avion, reconnaîtra qu’il n’est pas en mesure de rendre l’argent qu’il a croqué à belles dents et proposera généreusement une reconnaissance de dettes avec un timbre à 6000 roupies…
Autre cas de figure, l‘ami de longue date Il vit à Bali et sera un conseiller précieux pour cette famille qui vient s’établir dans l’« île des dieux » et va commencer la construction de sa maison. L’ami va présenter un constructeur, le même que le sien, il fait aussi construire une maison, il affirme que le prix est correct. Les travaux avancent doucement, les mêmes équipes pour les deux chantiers distants d’à peine un kilomètre, le constructeur multiplie les demandes d’acomptes bien au-delà de l’avancement des travaux, des problèmes, des questions : en définitive l’ami avait fait gonfler la facture du constructeur et faisait réaliser ses propres travaux sans bourse délier.
Ce qui semble extraordinaire, c’est le silence assourdissant autour de ces pratiques et de leurs auteurs. Ils sont connus : ceux qui s’en plaignent se voient toujoursrépondre : « Untel ! Bien sûr que c’est un escroc, tout le monde le sait ! » Ah bon ! Et pourquoi ne pas l’avoir dit plus tôt ? Comme s’il y avait chez ces anciens expatriés une jouissance secrète à voir les nouveaux arrivants connaître les mêmes difficultés que celles qu’ils ont sans doute connues à leur arrivée, en quelque sorte une forme de bizutage.
Alors il reste à inventer une machine à éradiquer ces nuisibles, un site internet, une association de défense des rêveurs ? Et surtout crier sur tous les toits ce que font les uns et les autres, en exhortant à la prudence.
Dorothée Weil
Cher Cyril,
Merci pour votre courrier franc et direct, je vais tâcher de l’être aussi au risque de froisser des susceptibilités. Disons alors que ce courrier n’engage pas le journal mais simplement son auteur en qualité de citoyen investi dans le devenir de Bali.
D’abord, je voudrais préciser que je suis surpris par l’instinct de propriété de ceux qui nous contactent à travers le journal et surtout par l’Internet. Ils ne sont pas encore installés, ils ne connaissent encore rien à Bali qu’ils veulent déjà acheter un morceau de rizière et veulent tout apprendre du hak milik et du hak pakai. Pour ma part, je pense que ces belles rizières, la richesse paysagère de Bali, mais aussi l’instrument de production alimentaire, actuel et futur, de la céréale la plus consommée au monde, sont en danger ! A l’heure où le monde a connu ses premières émeutes à cause de l’augmentation des denrées alimentaires, il est urgent de réfléchir à la disparition des rizières.
J’ai décidé d’illustrer votre propos par une photo d’un projet en cours dans une rizière d’Umalas. Je n’en connais pas le promoteur mais je trouve cette photo très représentative de l’esprit de ceux qui stérilisent les rizières pour y installer des villas. Je pensais que c’était une zone verte protégée et puis soudain, il y a quelques mois, des ouvriers sont arrivés et ont percé une route en plein centre de cette rizière magnifique. Sans doute le propriétaire a-t-il eu les connexions nécessaires au cadastre pour déclasser la zone… Mais là n’est pas tant le problème. Ce qui m’étonne le plus, c’est que la villa n’offre même pas de vue sur les rizières, les murs la dissimulent totalement sans doute par peur des voleurs, et ils sont légion à Umalas et Canggu d’après mon ami Nicolas qui me tanne depuis des mois pour que nous écrivions sur le sujet dans le journal. Alors à quoi bon bétonner une rizière, sacrifier en quelques jours le long travail de paysans à travers des siècles pour construire une villa totalement repliée sur elle-même, petit coffre-fort enchâssé au milieu de rizières, comprenant l’écran plasma de rigueur et quelques babioles pour justifier d’un tarif de location de 300 dollars la nuit ?
Je comprends bien que s’il n’y avait pas de paysans pour vendre ou louer leurs terres, il n’y aurait pas de villa. On ne peut pas non plus s’opposer au développement. Mais de quel développement s’agit-il à Canggu ou Umalas ? Comme le soulignait Magali dans son courrier de la Gazette du mois de juin, reprenant un article du Courrier International concernant une petite paysanne d’Umalas, nous avons notre part de responsabilité dans le développement de Bali. Alors quelle solution pour tous ceux qui veulent bâtir à tout prix ? J’observe que certaines personnes conscientes de ces enjeux se contentent de réhabiliter des maisons déjà existantes ou bien construisent sur des terres non agricoles.
Il y a une vraie contradiction entre le désir des gens de se fixer à Bali, en partie pour ses célèbres rizières, et de les bétonner dès que possible pour se construire un ensemble de villas et même son petit chez soi, la taille du projet ni son objet n’excusent rien !
Concernant la dernière partie du courrier sur la propriété intellectuelle, artistique et industrielle (attention à ne pas tout mélanger), le hasard a voulu que l’édition de juillet l’aborde à travers trois articles, bien observé ! Vous avez la dent dure contre Roberto Tenace, peut-être l’article a-t-il usé de trop de raccourcis pour que vous vous fassiez une idée juste de son combat. Si je prends la plume pour le défendre, ce n’est pas parce qu’il soutient ce journal par son encart publicitaire. Il me semble avoir une vraie pensée à long terme pour l’Indonésie et la qualité de ses artisans.C’est un homme courageux et seul face à l’adversité. J’ai assisté au mois de juillet à une très intéressante réunion où un spécialiste indonésien de la propriété industrielle, descendu de Jakarta pour le procès qui oppose John Hardy à un Balinais, a rencontré les copieurs de Sens’O, la marque de Roberto Tenace. C’était intéressant d’entendre cet homme expliquer que l’artisan est tout aussi responsable que son client quand il réalise des copies. Roberto en a profité pour annoncer qu’il ne toucherait pas une roupie des royalties qu’on lui devait, il a le projet de verser toutes ces royalties pour monter une école de design afin que les enfants de ses contrefacteurs ne soient pas obligés de copier et qu’ils gagnent mieux leur vie ! Quelques semaines plus tard, le 4 août, il m’a annoncé qu’un des copieurs avaient décidé de payer des royalties, la première bataille est gagnée !
Il y a bien sûr un parallèle entre mes propos sur l’immobilier et ceux sur la propriété intellectuelle : notre place ici, ce que nous déséquilibrons, ce que nous pouvons apporter pour le futur. Pour ma part, j’avoue que je soutiendrai ce projet d’école du design dans le droit fil de ce que le Père Maurice a monté en 1982, l’école de sculpture Sasana Hasta Karya à Gyaniar, sur laquelle nous avons écrit un article en janvier 2006 dans la Gazette.
Socrate Georgiades

Enervements, enervages et enervabilité

Le rotin synthétique, objectivement, c’est moche, non ? Je ne suis pas un fan du rotin en général, mais alors, ces meubles de jardin en plastique, vraiment, c’est à chier ! Des designs tristes à mourir et cet aspect clean… Et les arguments de vente, vous avez vu ? Ecologique, protection de l’environnement !? Du plastique imputrescible qui se retrouvera tôt ou tard dans une décharge sauvage et nous empoisonnera pendant des siècles ! Recyclable, sans doute, recyclés plus tard, peu probable… Sans parler du manque à gagner subi par ceux qui cultivent le rotin, ceux qui le travaillent traditionnellement, car ces matières synthétiques sont importées ! Le prix de ces horreurs ? Exorbitant ! Décidément, tout pour plaire.
Une autre vision du luxe ! Pour soutenir Rainer, encore une fois, et bien d’autres qui dénoncent la poussée de ces villas de rêve plantées sur 2 ares de terrain, flanquées d’une piscine au raz du salon, 2 m2 de pelouse et un frangipanier rachitique, je dis : misère ! C’est ça, le rêve, le luxe ?! Vingt villas, blocs de béton sans âme, toutes pareilles, sans verdure, sans horizon. Chez moi, on appellerait ça « logement social ». Du social à 250 000 $ minimum, pas mal… Le truc, pour faire avaler la pilule ? Quelques gadgets électroniques (écran plasma, WiFi internet, etc.) dont le montant ne dépasse pas 5000 $. Et les retours sur investissement garantis par le vendeur… Sérieusement, j’en parlais hier avec un ami qui est justement en train d’en construire trois, sur 8 ares. Il me disait que, pour construire ce genre de chose, sur 2 ares et demi, il fallait compter 40 000 $ maxi ! Ca, c’est le prix pour un petit projet, imaginez sur un gros. Mais il y a mieux, celui qui plante sa demeure au beau milieu des « rice fields ». Vue imprenable pour lui, et foutue pour les autres ! Un blockhaus au milieu de la verdure, une verrue, misère encore !
Je m’intéresse un peu au sujet car je cherche actuellement à me loger, construire moi aussi la villa de mes rêves. Considérant tous ces paramètres, c’est pas facile… Une des possibilités serait de contracter, avec quelques amis, une parcelle et de nous y installer. Récemment, nous avons eu une proposition à Canggu. Un terrain de 25 ares, portion d’une magnifique rizière, en forme de cirque, dont il suffisait d’assécher une partie afin d’être chez nous pour 25 ans ! Un endroit vraiment extra, comme on n’en trouve plus beaucoup. J’ai essayé de m’imaginer le paysage, après les travaux… Un site exceptionnel ravagé par notre égoïsme, notre insouciance. En effet, ce paysage qui nous enchante disparaitrait immédiatement dès que nous y serions installés ! Et il y a fort à parier que, dans les 5 ans à venir, bien d’autres auront la bonne idée de devenir nos voisins… Adieu la vue imprenable, l’exclusivité, vive le lotissement social ! J’ai bien entendu renoncé, cherché dans le village un terrain mieux adapté. On peut bien aller admirer le paysage à pieds et vivre un peu plus près de nos hôtes, les Balinais, partager un peu la vie du village, après tout ! A suivre… Comment peut-on affirmer aimer un pays et le défigurer en même temps, apprécier ses habitants et s’en protéger par des murs de 4 mètres ?
Pour finir, un petit mot sur la culture ou plutôt la copie, la propriété artistique… Deux articles intéressants dans la Gazette du mois de juillet ! Le premier de Wayan Dewa qui explique qu’un artiste balinais est avant tout un artisan au service de la communauté, que l’idée de postérité n’existe pas. Que l’invention ou la copie font partie du travail de l’artiste. Un autre article signé Socrate Georgiades à propos de la bataille menée par Sens’O et son patron. Deux opinions qui divergent aux antipodes ! Progressisme d’un côté, conservatisme de l’autre, arrogance contre humilité ? Entre les deux, il y a Christophe Dailly qui s’exprime sur le sujet. Pour lui, la parade, c’est l’imagination, la créativité, les procédés de fabrication. Plus sain, à mon avis, comme propos. En effet, vouloir protéger son casse-croûte, rien de plus normal. En revanche, les arguments et démarches employés par M. Tenace sont un peu douteux. Prétendre vouloir défendre l’intérêt de l’artisanat indonésien, des travailleurs locaux, là, je me marre ! Paye-t-il ses employés au tarif européen pour qu’ils puissent « aller se faire bronzer sur les plages » ? J’en doute ? Ses produits sont très bons, c’est un fait, il faut simplement accepter de rentrer dans le domaine public après avoir exploité une idée, se renouveler au lieu de s’accrocher fébrilement à une cause perdue d’avance. Le monde tourne vite, très vite, il faut sans cesse innover ! En fait, peut-être dis-je cela par pure jalousie car j’aimerais bien avoir un jour une idée de génie qui puisse assurer mes vieux jours ! Là, peut-être que je m’accrocherais de la même façon ! Voila, j’ai vidé mon sac, à bientôt.

Cyril Terrien

Au « bule argenté »

Bali, l’île du paradis, des esprits, enchanteresse par ses odeurs, ses couleurs, ses sourires, ses temples... On y prône la « Zen attitude ». Très difficile à suivre quand, par hasard, vous décidez d’y fixer votre pied-à-terre. En effet, début 2007, nous rencontrons par l’intermédiaire d’un ami, un couple de compatriotes qui se propose de nous aider dans l’édification de notre maison, qui sera « la maison de nos rêves ». Nous pouvons rentrer chez nous l’esprit tranquille, on nous promet qu’à notre retour tout sera terminé. Passent les premiers mois durant lesquels tout semble se dérouler à merveille. Mais les surcoûts, les rajouts - paiements honorés sur le champ - se font de plus en plus fréquents et ce, alors même que la construction n’avance plus. Et, quand nous nous étonnons de ce « stand by » malgré les sommes prohibitives d’ores et déjà réglées, nous sommes bercés par des excuses telles : une météo défavorable (ceci bien avant que la réelle saison des pluies ne commence), des cérémonies nombreuses et diverses (certainement plus que le calendrier balinais n’en possède !) et tout cela sur un fond d’amitié qui nous aveugle. Quand nous tentons plus fermement de faire le point, d’avoir accès aux factures et de leur soumettre nos craintes quant à un éventuel mélange de trésorerie... Cavalcade, silence radio, nos « Arsène Lupin » sont fuyants et injoignables. Bilan des courses : nous nous retrouvons dans une maison inachevée, plus que payée, truffée de problèmes et d’imperfections et rien d’officiellement signé ! Leur malhonnêteté n’a d’égale que notre naïveté pour ne pas dire notre bêtise !!! Et l’adage bien connu « les amis de nos amis sont nos amis », que nenni à Bali !! Mais il est un autre adage : « Bien mal acquis ne profite jamais… ».

Les bule désargentés

Une pensée de Bali

La vie semble si belle quand on se réveille face à la baie que le soleil inonde de ses premiers rayons ! Le bain de lumière sur l’ensemble de la maison me rappelle la beauté du dégel sous nos latitudes. Les feuillages en contre-jour présentent un contraste éblouissant de noirs intenses et de lumières clinquantes. Pas de programme dans l’instant, comme un souffle inhabituel pour moi dans le rythme des choses à faire. La « jam karet », temps élastique de Bali a à nouveau conquis mon esprit et me libère de cette sensation d’être dépassé par les événements avec laquelle je vis en Occident.
Avant hier, j’ai accompagné mon amie danseuse à une cérémonie de « pencaru » dans un village à 140 kilomètres d’ici. Le poids des sept heures de route nécessaires pour s’y rendre et en revenir n’a eu aucune importance et n’a pas rivalisé avec l’incroyable intensité de l’événement. Pas plus que les heures de patience une fois sur place pour attendre que trois « pedenda » (grands prêtres ) procèdent aux rituels. Ils incarnèrent les forces de Bouddha, de Vishnou et Shiva, afin que l’humain, les forces créatrices et le changement trouvent leur places et rétablissent un ordre apaisant. Leur intervention, liant les forces nécessaires aux offrandes et sacrifices que la communauté concernée avait réalisé la veille aura, après quelques heures, transformé les forces dérangeantes en les projetant dans un passé révolu et fait disparaître enfin les effet négatifs d’un désordre installé et bien regrettable.
Une journée inoubliable qui m’a encore apporté beaucoup pour avancer dans la compréhension de cette incroyable culture. La beauté des rituels, l’ambiance sonore inondant l’atmosphère, puis l’intervention finale des masques, auront été le support des symboles investissant ma conscience. Réceptif à quelques-un de ces symboles, j’ai pris conscience encore une fois d’une infime partie de cette logique qui rétablit l’équilibre entre les mondes du visible et de l’invisible et qui, finalement, a eu raison du problème. L’atmosphère dans le village a manifestement changé entre le moment de notre arrivée et celui de notre départ. Partis au lever du jour, on rentrera au coucher du soleil. A l’aller comme au retour, la route nous offre l’incroyable spectacle inanimé, mais envoûtant, du volcan Agung qui trône sur le paysage avec une présence comparable à l’immensité de l’océan qui lui fait face.
La route qui longe la côte traverse le lieu où en 1963 le feu du volcan a rejoint l’eau de la mer. L’atmosphère présente, 45 ans après, est encore imprégnée des forces alors mises en jeu. Peut-être pour rétablir un équilibre que l’humain ne pouvait rétablir seul, la nature a dû prendre en main sans ménagement le contrôle des équilibres. La planète nous réserve sans doute de nombreuses occasions de nous rappeler les forces de la nature et de nous faire réfléchir sur ce que nous sommes vraiment. Des occasions de nous faire prendre conscience de notre capacité parfois mal utilisée de joindre les mondes visible et invisible, de vivre en harmonie avec notre environnement, avant de le transformer en un monde qui nous échappe et qu’on finit par ne plus maîtriser. Souvent après avoir été trop convaincu du contraire ! Ces peuples que l’on ignore trop souvent ont peut-être beaucoup à nous apprendre, ou à nous réapprendre, pour que l’on retrouve des valeurs essentielles à une vie où règnent paix et sérénité. Apprenons à les écouter, acceptons qu’il existe d’autres langages pour les comprendre, au lieu de perdre une énergie incroyable à essayer de les convaincre que notre langage est universel. L’ouverture d’esprit n’est pas un amoncellement de connaissances et d’objets, mais la prise de conscience de leur sens profond. Bali est une des fenêtres ouvertes sur le monde de l’invisible où les Occidentaux ont parfois l’impression de voir un monde à l’envers. S’ils daignent parfois utiliser le miroir de leur conscience pour rétablir le sens de la lecture de ce langage, ils peuvent réaliser qu’ils ne sont pas seulement face au monde qu’ils ont devant les yeux, mais également sur l’axe où peut exister un équilibre avec ce qu’ils ont aussi derrière les yeux : leur « conscience ». Les forces incroyables de l’ego se trouvent compensées par celles de cet équilibre et laisse la place à une harmonie avec une incroyable sensation de bien être. Om, santhi, santhi, santhi Om.
M.D Marcel

la réponse de Frédéric Alliod, conseiller audio-visuel de l’ambassade…

Pourquoi ce festival et quelle programmation pour Bali ? Le Festival du Film Français a pour objectif de promouvoir la richesse de la création cinématographique française récente. Il s’agit tout d’abord d’une manifestation culturelle qui offre au public indonésien, français et à tous les amoureux du cinéma en général, la possibilité de voir des films différents qui n’auraient autrement pas la possibilité d’être projetés dans ce pays. L’enjeu n’est ni plus ni moins que celui de la promotion de la diversité culturelle.
Il s’agit ensuite d’une vitrine commerciale pour les films français grands publics. L’objectif est de tester dans les salles, en partenariat avec les distributeurs et exploitants indonésiens, des films dont ils pourraient potentiellement faire l’acquisition. Outre le simple soutien aux exportations françaises, l’exploitation commerciale d’un film permet le prolongement de sa diffusion culturelle à l’échelle nationale. Il s’agit enfin d’un outil de coopération, de partage des savoirs et des compétences. C’est pour cela que nous avons organisé différents ateliers, discussions et rencontres professionnelles (« réalisation de vues lumières », « création de costumes pour le cinéma », « discussion sur l’œuvre de Maurice Pialat »…) à Jakarta et Yogyakarta.
Le festival a eu lieu dans 7 villes : Jakarta, Lampung, Bandung, Yogyakarta, Semarang, Surabaya et Kuta (Bali). En tout, 28 films (dont deux avant-premières) ont été présentés lors de cette 13ème édition du Festival du Film Français en Indonésie. Très diversifiée, la programmation a été saluée par la presse et par le public qui est venu en masse. Organiser un tel festival en province présente, il est vrai, différents défis. Sans me perdre dans les détails, je mentionnerai cependant le défi logistique : montrer une sélection de films de qualité dans différentes villes, sans pour autant bloquer les copies en Indonésie puisque celles-ci repartent ensuite dans d’autres festivals à travers le monde. Malgré tout, nous avons fait le maximum pour présenter 4 films à Bali cette année. La sélection des films projetés en province, dont « Serko », « Mon petit doigt m’a dit », « Les témoins » et « Flandres, s’est faite parmi les acquisitions récentes du Bureau du Film du Ministère des Affaires Etrangères. Chaque année, le MAE achète les droits de projection non-commerciale de films français de qualité, jugés représentatifs de la puissance artistique de notre cinéma. « Serko », magnifique film d’aventure, offre un spectacle inédit aux spectateurs de Bali. « Mon petit doigt m’a dit », adaptation d’un roman d’Agatha Christie, est un film à la fois drôle et mystérieux, intelligent et divertissant. Dans la veine du grand cinéma d’auteur français, « Les témoins » est brillamment mis en scène et interprété : César 2008 du Meilleur Second Rôle Masculin, le film a également reçu trois autres nominations et était en compétition pour l’Ours d’or de Berlin. Le sujet peut plaire ou pas, cela n’entame en rien les qualités artistiques de ce film. Vient enfin « Flandres ». Grand Prix du Festival de Cannes 2006. Œuvre radicale, certes. Surréaliste cependant. Par sa violence sans complaisance, il concerne un public plus limité. Est-il néanmoins moins acceptable que les films d’horreur « gores » dont sont friands les adolescents indonésiens ? Nous avons offert l’opportunité au public de Bali de découvrir ce film célébré par la critique internationale. Cela a été également le cas à Jakarta et dans d’autres villes où, même si le film a été diversement apprécié, la démarche a été saluée. Au total, à Bali, le festival a attiré 830 spectateurs, ce qui est tout à fait satisfaisant.
Le Festival du Film Français en Indonésie est organisé sous le haut patronage du Ministère de la Culture et du Tourisme. Tous les films sont soumis au Comité de Censure. Nous suivons leurs recommandations. Comme dans de nombreux autres films, « Les témoins » et « Flandres » montrent des scènes intimes. Une fiche d’instruction a donc été éditée, indiquant au projectionniste les séquences pour lesquels le floutage est exigé. Spontanément, et bien que le festival en province soit gratuit, nous avons fourni des tickets à nos relais locaux leur permettant de contrôler et de filtrer les spectateurs. Le catalogue proposait un synopsis pour chaque film. L’édition 2008 du Festival, dans sa globalité, a atteint ses objectifs. C’est un succès à la fois critique et public. Nous offrons au public d’avoir le choix. Une alternative. Cela étant précisé, il convient pour nous de faire le bilan et d’en tirer les conséquences. Bien loin de nous l’idée de choquer ou de déplaire sciemment. Si ces films d’auteurs, pointus et exigeants, ne trouvent pas leur public à Bali, nous nous adapterons. Fort de cette expérience, nous composerons pour la prochaine édition un programme plus diversifié, composé de films divertissants mais également de films en phase avec la société française et la création cinématographique contemporaine. Et si possible, un festival avec plus de films, grâce au soutien que pourrait nous apporter de nouveaux sponsors.

festival sinema prancis

Bonjour à toute l’équipe,
nous n’étions pas nombreux au festival du cinéma français de Denpasar le week-end dernier mais je voudrais vous faire part de quelques réflexions à ce propos. J’ai vu un film très violent, je m’étonne qu’il ait été choisi, je m’étonne encore plus qu’il ait passé la censure indonésienne et surtout que les spectateurs n’aient pas été prévenus du fait que certaines scènes étaient très choquantes. Il s’agit de « Flandres ». Ce n’est pas un mauvais film, loin s’en faut mais ce n’est surtout pas un film grand public. Les trois- quart des spectateurs indonésiens ont quitté la salle avant les deux tiers du film. On assistait au viol, filmé d’une manière insupportable, d’une femme musulmane par des soldats chrétiens et français. J’ignore si la personne qui a choisi de nous projeter ce film vit en Indonésie mais son choix témoigne d’un mépris intégral de la culture indonésienne. Sans doute un sentiment d’arrogance et de supériorité de la culture française : le cinéma est né chez nous et nous allons vous montrer ce que c’est que le vrai cinéma… Pour terminer, je vous laisse imaginer un festival du film indonésien à Paris, avec un petit film presque sans dialogue, peut-être dans un coin perdu au nord de l’Indonésie, ça s’appellerait Sulawesi. Un peu intello, un peu théâtral, bien épuré, sans aucun repère chronologique ni factuel. Les paysans partent à la guerre (on ne sait pas laquelle) et sur le chemin ils violent une femme française. La camera ne nous épargne aucun détail sur l’anatomie de la victime. Allez, libérez votre imagination... et soutenez le cinéma français, il est rebelle !
Patrick

A l’attention de ceux qui ont choisi les films.

Cette année, très peu de Français sont venus mais beaucoup plus d’Indonésiens que d’ordinaire. La gratuité des entrées y a probablement contribué ! Ces Indonésiens sont souvent venus en famille, on entendait même des petits enfants. Le programme, outre « Serko », film pour les enfants, était : « Mon petit doigt m’a dit », « Les témoins » d’André Téchiné et « Flandres ». Pour commencer, « Mon petit doigt m’a dit », film original, loufoque et assez tortueux dont on avait un peu de mal à suivre l’histoire, nous les Français. Donc, je ne sais pas trop ce que les Indonésiens ont compris. Puis « Les témoins », un film sur les homosexuels et le Sida, pas le meilleur dans le genre, à mon avis, mais bon… Je ne sais pas si c’était une très bonne idée de montrer des hommes qui s’enc… à des jeunes Indonésiens. En tout cas, ça a fait des remous dans la salle, des oh et des ah !! De plus, l’héroïne laisse le père de son bébé se faire enc… sans sourciller, elle-même n’étant pas un exemple de fidélité ! Pour terminer, j’ai essayé de regarder « Flandres » mais j’ai dû interrompre assez rapidement à cause des scènes
de guerre d’une rare violence : têtes qui volent, sang partout, viols. Je ne suis pas la seule qui soit partie, d’ailleurs. Je considère qu’un film comme cela devrait être interdit aux moins de 13 ans, ne serait-ce que pour ces scènes ! Par ailleurs, au début du film l’héroïne, Barbe, lors d’une promenade dans un champ, baisse brutalement pantalon et culotte et invite son compagnon à la tronc…, ce qu’il fait aussi sec. Excusez le vocabulaire, mais ça correspond à l’esprit de la scène. Vous imaginez bien que les mères indonésiennes, prises par surprise, n’ont pas eu le temps de mettre la main devant les yeux de leurs progénitures. Donc, si vous considérez vraiment que ces films sont représentatifs de la culture française (!!), je pense qu’il serait cependant une bonne idée de mettre des pancartes « Interdit aux moins de… ».
Merci de m’avoir lue !
Nancy Causse Yogya

au sujet du dernier Festival du Sinema Perancis

Bonjour à vous,
Je vous écris pour vous dire que j’ai été choquée par tous ces films (4 au total) dont aucun représentatif de notre culture du cinéma français. « Serko » : la moitié des dialogues ne sont pas en français, « Les témoins » : on se passe franchement de ces scènes de voyeurisme, « Mon petit doigt m’a dit » : les acteurs sont français certes mais l’humour est un peu particulier, « Flandres » : scandaleux ! Les organisateurs ayant choisi ces films n’ont pas dû penser qu’ils allaient les projeter dans un pays musulman et les destiner à un public indonésien sensible à la langue et à la culture française. Il n’y a eu aucun respect pour le public et le pays destinataire. En organisant un festival, choisissez et regardez les films avant de les programmer et ne vous contentez pas de nous les balancer.
Bien à vous.
Natalie Masier

Bruno Béguin

Je me permets de réagir à un article d’Eric Buvelot, paru dans l'édition d'avril en page 14, intitulé "Ces bule qui viennent manger le riz des balinais".

Un élément, un chiffre pour être plus précis m'a choqué dans cet article, on parle de 711 titulaires de KITAS avec permis de travail en 2007... Prétendant que ces étrangers viennent chasser sur le marché du travail des citoyens indonésiens... N'oublions pas que la plupart des KITAS avec permis de travail sont donnés à des bule car ils n'ont pas le droit d'être patron de leur propre entreprise, ils deviennent donc directeur du marketing, conseiller en stratégie ou tout autre titre ronflant dont l'Asie raffole... Mais jamais sur leur carte de visite, il n'est indiqué - et encore moins sur les documents officiels - que ce bule est bien le créateur d'entreprise et d'emplois par la même occasion... Je trouve incompréhensible que l'organisme local n'ait pas le bon sens au vu de l'augmentation des créations d'entreprises dans le tourisme et dans les autres domaines aussi, de comprendre que toutes ces entreprises créées par des « locaux », sont en fait le fruit d'un travail et souvent d'un investissement financier important d'un de ces bule... Cette politique de l'autruche est agaçante par moment... Au niveau de l'hôtellerie et du tourisme en général, je vois mal comment de nombreux postes pourraient être pourvus par le marché local du travail ! Une petite explication dans ce sens n'aurait pas été superflue à mon sens...

Merci de me publier et merci de la présence de La Gazette dans notre quotidien (sans jeu de mots).

Le riz des balinais, le vol et les coupons de réduction par Patrick

Bravo d’abord pour votre travail et la qualité de vos informations. Avant d’aborder le sujet de mon courrier, je voudrais faire une digression sur l’article du mois de mars concernant les Balinais qui trouvent qu’il y a trop d’étrangers installés à Bali qui leur volent le riz de la bouche. Deux remarques : 1) si les Balinais et les Indonésiens étaient mieux formés, les entrepreneurs, qu’ils soient Indonésiens ou étrangers, éviteraient ainsi la coûteuse embauche de salariés expatriés (Kitas de 1200 USD + salaire multiplié au minimum par 2, 3, 5, 10, 20 + avantages tels que assurance et billet d’avion). C’est une remarque de bon sens qui malheureusement ne pèse jamais lourd face aux arguments des xénophobes et racistes de tous les pays y compris les nôtres en Europe (vous vous souvenez de Le Pen, de la Ligue Lombarde ou du Vlam Block, ça ne vole pas plus haut !). 2) 711 Kitas sur un peu plus de 3 millions d’habitants, soit 0,02%, ça ne pèse vraiment pas lourd. Que se passera-t-il quand nous atteindrons 1% ? Je n’ose y songer.

Je voulais donc vous faire part de mes expériences de gestion du personnel et mettre en garde les entrepreneurs contre certaines pratiques. C’est un sujet à ma connaissance qui n’a encore jamais été abordé dans la Gazette peut-être parce qu’il semble tabou, que nous sommes de gentils tamu, qu’il vaut mieux rester low profile et ne pas la ramener ! Beaucoup d’entrepreneurs ici sont confrontés au vol de la part de leurs employés.,. peut-être pas plus que dans d’autres pays sauf qu’ici, les employés jouissent d’une certaine impunité. Contrairement à ce qui se passe dans nos pays d’origine, ils savent que leur employeur ne pourra jamais faire appel à la police. Le bapak polisi qui débarquera dans votre boutique vous rappellera que vous n’êtes pas ici chez vous… Il semble bien sûr que le problème soit plus accru avec des natifs de Bali qu’avec du personnel des autres îles, vous vous demandez pourquoi ?
Les pratiques sont multiples. Bien sûr, le double carnet de commande. La commande est ainsi réalisée à l’insu du boss. Ou encore pour la vente au détail, l’employé vend votre produit qui disparaît donc de votre stock. Avec la complicité d’ouvrier dans votre usine ou dans un atelier complice, il fait fabriquer la pièce manquante et elle retrouve sa place dans votre stock trois jours plus tard. Seul moyen de s’en rendre compte : faire un inventaire surprise ! Parfois, le montage est encore plus ambitieux (c’est arrivé à une de mes connaissances) : des grossistes passent commande à votre employé qui les envoie directement sur une autre boutique qui lui appartient et qui ressemble comme deux gouttes d’eau à celle de son employeur !

Ce à quoi j’ai été confronté dernièrement, c’est le système des pubs à coupons. Vous avez sans doute déjà été tenté de mesurer l’impact d’un magazine, carnet de coupons ou autre support de pub… le coupon de réduction vous a semblé un moyen fiable. Plus on aura de retour, plus on pourra estimer que le support média est efficace. Et pour moi, il l’a été de manière tellement étonnante… que j’ai dû me séparer de mon staff au bout du deuxième mois de ces coupons miraculeux. Mon employé réalisait une vente, remettait une fausse facture au client avec le montant payé, puis enregistrait la vente après coup avec la réduction du coupon miraculeux, en se mettant la différence dans la poche. Je m’en suis rendu compte parce que ça représentait 30 % des ventes au bout du deuxième mois sans que le chiffre d’affaire ait augmenté, en l’occurrence il baissait à cause de la réduction. J’ai donc envoyé un client ami à qui il a remis une fausse facture (presque parfaite, à la différence d’une faute d’orthographe !). Même si je m’en suis séparé, je ne lui jette pas totalement la pierre, j’avoue que c’était très tentant, je lui ai tendu le bâton pour me faire battre mais on ne m’y reprendra plus.

Voilà, je pense qu’il ne serait pas inutile que les entrepreneurs étrangers puissent se rencontrer dans un cadre professionnel pour échanger leurs expériences sur ces différents sujets, trouver des parades et peut-être un jour créer une structure pour revendiquer quelques droits, au moins celui d’être entendus contre des employés indélicats. En attendant j’écris à La Gazette de bali qui j’espère me publiera…

Bonjour à toute l'équipe de La Gazette de Bali,

Et tout d'abord, BRAVO ! Bravo pour avoir décidé de faire exister ce journal et Bravo de constater que mois après mois, il s'est épaissi encore et encore. Que de chemin parcouru depuis les 8 pages du début... J'ai envie de vous suggérer aujourd'hui quelques petites idées, à prendre ou à laisser, à vous de juger. Tout d'abord, je lis toujours avoir grand intérêt l'article gastronomique, mais force est de constater que jusqu'à présent, je n'ai pas encore réalisé une seule des « recettes » mentionnée. Par faute d'envie ? Non, plutôt que je ne me sens pas trop capable de suivre les chefs dans leurs explications trop succinctes pour moi... J'ai besoin de connaître les proportions pour me lancer et des fois, c'est un peu (beaucoup) limité. De plus, comme nous habitons en Indonésie, pourquoi ne pas donner aussi des recettes du pays ? Qu’on puisse se perfectionner un peu. Et puis, je suis sûre que même les touristes de passage seraient contents, en lisant La Gazette, de pouvoir retrouver les saveurs qu'ils viennent de découvrir durant leur séjour et prolonger ainsi leur voyage de retour chez eux. Quant aux expats, avec nos livres de cuisine qui mentionnent souvent des ingrédients introuvables - ou bien trop chers ici - ce serait un plaisir d'aller faire son marché, papoter avec les commerçants et revenir chez soi mijoter une nouveauté pour toute la maisonnée. D'autant qu'avec le panaché de plats indonésiens ou chinois, il y a de quoi faire : l'inévitable nasi goreng, le soto ayam, la sop buntut, l'ayam kalasan, le nasi campur, les perkedel, les bakwon jagung, les sayur sayuran, les ikan goreng ou kukus, les bubur... La liste n'est pas exhaustive. Si besoin, je peux en fournir quelques-unes, mais je ne garantis pas que ce soit les meilleures. N'y aurait-il pas un ou une de nos hôtes, pour nous fournir ces informations, avec une petite nuance cela dit, version épicée ou NON...

D'autre part, serait-il possible, par l'intermédiaire du journal ou de son site Web, de mettre au point un forum d'échange d'informations. Vous le faites déjà dans la rubrique des Bons Tuyaux, mais on pourrait aller plus loin. Certains ont des bonnes adresses et d'autres en recherchent. Pourquoi ne pas tout mettre en commun ? Un peu comme vous aviez fait pour le questionnaire de santé, mais avec une remise à jour possible.

Quant à Marcel Despierre et son article concernant le Guide du Routard, je le suis complètement dans sa démarche. Je trouve aussi ce guide trop franchouillard. Il présente souvent les aspects négatifs plutôt que de ne parler que de ce qui est intéressant. La Gazette à ses débuts a fait quelques faux pas, mais vous vous êtes bien corrigés. Pourquoi, le Guide du Routard, qui est distribué à une toute autre échelle, ne pourrait pas en faire autant ? Ce n’est pas étonnant que le Français a la réputation d'être un rouspéteur quand, même des guides aussi prisés que celui-la, donnent un tel exemple.

Pour ce qui est de l'article de Marie Michel sur l'achat d'un terrain à Bali, je souhaiterais ajouter un bémol à son commentaire, trouvant qu'elle ne précise pas suffisamment de faire TRES attention avec les partenaires locaux et le contrat établi. Nombreux sont les cas où les expats se sont vu dépossédés de leur business, le prête-nom ayant mangé tout le gâteau... Sur ce, je souhaite une longue vie à La Gazette et RDV le mois prochain.
Amitiés.
Nathalie

François Seurin

Voici la suite de la réponse à notre « lectrice » qui fustigeait en mars les « portions minimalistes en forme de tableaux de Miro » de certains restaurateurs de Bali.

2ème Partie : pour en finir avec les blasés des mini portions

Enfin, à Bali, on trouve ces restaurants à vocation gastronomique, cuisine fine et subtile, où les notions de « value for money » et de « sortir le ventre plein » doivent s’effacer au profit d’un minimum d’ouverture d’esprit, de désir de découverte et de confiance envers le chef qui dirige ce voyage sensoriel. En réponse aux remarques sur la gastronomie de la « lectrice » du mois de mars, en ce qui me concerne, je ne crois pas qu’on en trouve un seul dans « la rue de la faim ». En tout cas, lorsqu’il s’agit de rapport avec l’art culinaire à son meilleur, pour visiter ce genre de restaurant, laissez vos idées préconçues, du genre taille et visuel du plat, et utilisez plutôt vos papilles ! Découvrez les superpositions subtiles de saveurs et textures et toutes ces nuances gustatives comme si vous étiez devant une toile dans une galerie d’art. Utilisez la même démarche, mais en étant focus sur le goût et ce qui ce passe à chaque bouchée. Liez à l’expérience aussi l’odorat mais n’attachez pas trop d’importance au look par lui-même et analysez chaque bouchée de ces goûts et mélanges inhabituels. Et lorsque le mini trait sur une assiette est en fait une réduction de balsamique au jasmin qui balance étonnement avec le goût d’une pèche rôtie et la garniture d’une mousse au chocolat Valrhona, laissez-vous aller ! Elle-même enferme une gelée à la feuille de citron et citrus accompagnée en touche subliminale d’une purée de peaux de citron jaune. C’est pas extraordinaire ça ? Et lorsque pour finir, cette mousse est couverte d’éclats de croûte de riz au cacao genre langues de chat contemporaines, le tout ressemble effectivement à une grande assiette un peu vide dans le style des peintures de Miro… Il s’agit là en fait d’une réelle explosion de saveurs qui serait une épreuve désagréable à manger en grosse portion, considérant la puissance des ingrédients utilisés.

Par contre, tout ça peut devenir une agréable découverte si l’on stoppe la partie « comfort zone » du cerveau liée aux repères gustatifs et aux associations connues et enregistrées depuis l’enfance. Et surtout, sans préjugé au sujet de la taille des portions. Ce n’est surtout pas la quantité qui garantit la valeur gastronomique. Celle-ci se juge sur la finesse du produit, le concept général et l’équilibre du plat. J’ai le souvenir de certains mets qui m’ont fait voyager, comme un foie gras poêlé servi avec une mini quenelle de purée de patates douces violette et une sauce pomme verte fleur de gingembre ! Le côté astringent et doux en même temps de la patate unis à la texture et au goût du foie gras chaud, surenchéri par l’acidité de la pomme et la saveur de la fleur de gingembre qui fait basculer le plat dans un exotique et séduisant finish. Ou encore une tranche de veau servie sur un effeuillé de choux de Bruxelles, chutney d’algues et une émulsion aux huîtres !

En ce qui concerne le prix d’une assiette de pâtes à Ultimo (anciennement Toscana), il faut comprendre que des pâtes à la bolognaise n’auront pas le même prix que des pâtes aux champignons importés d’Europe ou aux truffes blanches, dont le coût peut dépasser 3ooo Euros le kilo… Des truffes blanches d’Alba en Italie que le chef Julio du Toscana utilisait… Pour en revenir aux mini portions, ce n’est pas une trouvaille pour vous faire plus consommer. Pour définir un restaurant gastronomique, on dit qu’il faut une série de 6 à 7 plats incluant dessert et fromage. Il n’y a pas de restaurant à tendance gastro, il y a les gastro valeur sûre par la qualité, la finesse et la créativité, et il y a les autres évoqués plus haut. Il n’y a pas de faux gastro non plus car ça demande un minimum de formation et de connaissance culinaire avant de pouvoir créer. Et ces grandes arabesques de toutes les couleurs à la Miro sont des huiles, ciboulette, drill, curry, ou des réductions comme orange sanguine, balsamique avec de la sauge, réduction de vin ou de porto. Ou encore des émulsions très délicates de cèpes, ou une émulsion orange romarin… Donc ces arabesques ou fins nuages de bulles sont les supports visuels d’un bon plat et dans les vrais gastro (et non pseudo gastro), elles servent à quelque chose !

J’aimerai finir par une remarque sur l’évolution de la gastronomie. Si la France a vraiment marqué l’histoire et l’évolution de la cuisine dans le monde depuis les années 70, il y a une autre révolution en route. Un peu comme lorsque Picasso a révélé en 1900 ses demoiselles d’Avignon, faisant voler en éclats les valeurs classiques de la peinture, et oui, encore la peinture ! Cette révolution est espagnole et son chef de file s’appelle Ferran Adria. Il est l’inventeur de nouvelles techniques avec la… cuisine moléculaire. Il ferme son restaurant 6 mois par an pour se livrer à une recherche constante de découverte culinaire, n’hésitant pas à booster son équipe avec des biologistes qui l’aident dans sa recherche. Pour obtenir une table dans son restaurant, il y a une liste d’attente de près de deux ans.

A Bali et pour conclure en rapport avec le début de mon courrier le mois dernier, je reviendrai sur l’échange franco-japonais à l’origine de la Nouvelle Cuisine. Il y a un chef nippon à Bali dont la subtilité est proche des chefs français tels Daniel Boulu (New York) ou Stéphane Rimbault à la Napoule, dans le Midi. Il a donc une formation française mêlée à sa perception très japonaise. Découvrez la cuisine de Take San. Ah, oui, encore une chose qui a son importance pour les blasés des minis portions, les pauvres ! Le restaurant El Bulli du chef Ferran Adria, ce chef de file incontesté de la cuisine du 21ème siècle, en a décidé autrement. Il a encore réduit les portions pour arriver à la taille d’une… bouchée. Des repas de 35 découvertes successives qui vont d’un mini faux ravioli aux petits pois, en passant par un spaghetti d’un mètre de long ou un dessert purée de pommes de terre sucrées et vanillée… Et oui, la douceur d’une purée au beurre et au lait, il suffisait d’un peu de sucre et de vanille pour la faire basculer d’un monde à l’autre. Il suffisait juste d’y penser…

Barong et rangda par Pak Made Marcel

Chers amis de la Gazette et lecteurs français à Bali, je vous fais part du courrier que j'ai envoyé au Guide du Routard, excédé de trouver dans ce guide des propos que je juge inacceptable de la part d'un guide touristique. J’aimerais avoir des avis et pourquoi pas un soutien dans ma démarche, en espérant être compris par le plus grand nombre d'entre vous.
Voici mon email au Guide du Routard:

Madame Monsieur,

J'écris ce mail à l'intention de la ou les personnes ayant écrit les textes sur les danses balinaises dans le Routard « Bali Indonésie ». J'espère que votre pauvreté culturelle explique les propos que vous tenez concernant les personnages de Barong et de Rangda. Les personnes ayant écrit cela ne connaissent-elles rien de Bali ? Le manque de connaissance n’excuse pas le fait d'avoir publié de tels propos. Votre remarque avec une allusion au Muppet Show est totalement irrecevable, c'est une honte d’avoir édité un guide avec un manque aussi sévère de respect. Le ton de votre texte est méprisant et faire l'amalgame entre le Barong à touriste de Batubulan et les réelles cérémonies religieuses de Bali est grotesque. Vous feriez mieux de vous informer sérieusement avant de proposer à vos lecteurs de fausses informations. Le Barong n'est pas seulement le Barong Kris dont vous parlez, vous feriez bien de mettre un bémol sur ce que vous donnez l'impression de connaître. J'espère voir retirée cette sottise profanatrice de votre guide rapidement, car hélas, votre Guide du Routard jouit d’une renommée bien mal attribuée...

Barong est un pilier de l’identité balinaise, c'est comme si je parlais d'un acrobate anorexique en évoquant le Christ sur un guide de la Basilique St Pierre. Un guide de voyage n'est pas un journal de critiques satiriques. J'espère avoir suite à ce courrier et faire réagir le groupe de personnes ayant permis de faire lire de telles sottises à vos dévoués lecteurs. Il me semble qu'on a pu lire aussi sur vos guides que Padangbai était un petit village musulman sans grand intérêt. Environ 150 musulmans pour 2500 habitants de confession Indo Balinaise avec une adat (tradition) qui donne à ce village un caractère des plus balinais qu'il soit. Parler de village musulman à Bali, compte tenu de la situation géopolitique ne se fait pas à la légère, vous semblez ne pas tenir compte des personnes auxquelles vous faites référence.

SVP, vérifiez vos informations avant d'écrire n'importe quoi ! Et essayez de respecter les coutumes que vos lecteurs sont amenés à côtoyer, pour qu’ils le fassent aussi avec respect. Partageant ma vie entre Bali et la France depuis près de 20 ans, j'ai pour mission de faire en sorte que nos concitoyens ne se comportent pas comme des sauvages lorsqu'ils sont amenés à côtoyer la population balinaise qui les accueille. A vous lire, on pourrait penser que vous allez à contre sens de cette démarche...
Avec tout le respect que je vous dois.

Marcel Despierre

Cordialement.
Pak Made Marcel

La Nouvelle Cuisine par François Seurin

Voici une réponse à notre « lectrice » qui fustigeait le mois dernier les « portions minimalistes en forme de tableaux de Miro » de certains restaurateurs de Bali.

1ère partie : Le point sur l’histoire de la Nouvelle Cuisine.
Dans les années 6o, les échanges culinaires entre la France et le Japon symbolisèrent la rencontre et l’attraction de deux cultures opposées. Dans notre patrimoine culinaire français, depuis des générations, les chefs avaient surtout la réputation d‘être de bons sauciers. Les plats les plus appréciés étaient les gibiers à plume et les viandes en sauce comme le chevreuil, le lièvre, le sanglier, rassis et faisandés à l’extrême et marinés avec des vins puissants et tanniques. La bécasse par exemple, était suspendue par un nerf à la hauteur de la gorge jusqu’à la rupture de celui-ci, signe qu’elle était suffisamment faisandée et qu’il était temps de la cuisiner. Elle était préparée dans les règles de l’art et la sauce liée avec les intestins. Le goût de ces plats poussés à l’extrême faisait passer loin derrière l’esthétique. Imaginez donc la surprise de ces chefs pionniers découvrant un monde imprégné de culture zen bouddhiste pour qui l’espace vide a égale importance avec l’objet. Jugez plutôt : la décoration florale minimale, l’espace vide des maisons, le plat d’une mini portion de dégustation, la beauté de la céramique lors de la cérémonie du thé ou tout commence par la lente contemplation de la tasse qui tourne lentement dans la main, tous ces concepts extrême-orientaux en somme !

Sans oublier le côté obsessionnel de la recherche de l’extrême fraîcheur. Certains restaurants japonais proposent en effet des filets de poissons émincés très fins et reconstitués sur le poisson vivant duquel on vient de prélever la chair, avec une extrême attention pour ne pas endommager les organes vitaux. Les chefs japonais eux, étaient intrigués par le goût puissant des sauces des chefs français. Ces derniers étaient confrontés à la fraîcheur, au minimalisme et aux saveurs épurées de la cuisine japonaise ainsi qu’à sa présentation délicate. Cette rencontre des chefs ayant absorbé le premier choc d’influences mutuelles, ils décident de jumeler certains hôtels comme le Crillon à Paris avec l’Impérial Hotel à Tokyo. Les écoles hôtelières japonaises envoient en stage non rémunérés des étudiants japonais dans les 2 et 3 étoiles Michelin français. Nos chefs, encore imprégnés et émerveillés par la culture asiatique, ayant absorbé ces influences, décident d’épurer et d’alléger la cuisine française. Ils commencent par les sauces et remplacent les farines de liaison par des purées de légumes pour épaissir. Ils passent des portions à la carte menu 3 plats à un menu dégustation 6 ou 7 plats, commencent à utiliser des produits exotiques…

Michel Guérard fut certainement le premier chef français à utiliser de l’agar-agar dans sa cuisine minceur. Alain Senderens utilise le gingembre avec la tarte aux zestes d’orange, ou la mangue et la vanille avec une salade de homard. Rappelons qu’il fut un des premiers chefs « fusion », avant même que les chefs Anglo-saxons labellisent le mot 20 ans plus tard. Alain Chapelle qui travaille un style épurée, mélangeant produits simples et produits nobles, Troisgros qui développe son propre style, Roger Verger qui explose et réinvente le style bien avant Jacques Maximin, Outriez qui utilise le basilic thaï avec du saumon. Enfin, quelques années plus tard, Joël Robuchon emploie de la sauce soja dans certaines sauces. De 60 à 70, les chefs sont prêts pour un tournant dans l’histoire de la cuisine avec l’aide d’un nouveau guide dont le style est plus moderne que le sacro-saint et hyper classico Guide Michelin !

Donc, un jour des années 70, Christian Millau prend en photo sous l’aile du Concorde des chefs comme Bocuse, Lenotre, Verger et d’autres et déclare : « Ceci est la Nouvelle Cuisine française ». En 40 ans, cette Nouvelle Cuisine a explosé en une myriade de styles et évolutions personnelles et a permis de découvrir de réels talents avec la 2ème vague des chefs : Robuchon, Bras, Maximin, Chibois, Loiseau, Meunault, Gagnaire, Trama, Savoie et Ducasse. La 3eme génération est celle des chefs étrangers qui, inspirés et formés au style français ont ouvert des restaurants dans leur propre pays tels le Suisse Girardet, l’Allemand Wiseman, l’Italien Marchesi, le Britannique Marco Pierre White et les Américains Keller et Trotter. Mais cette Nouvelle Cuisine est très mal perçue du public où l’on trouve bien évidemment tous ces « hardcore » du classicisme, allergiques au changement. Fort à parier quand même que si on leur donnait à déguster des gibiers cuisinés comme il y a 50 ans, ils trouveraient ces viandes faisandées à l’extrême, immangeables. Faisandé : début de putréfaction dit le Larousse gastronomique !

Donc, pour en revenir à la restauration à Bali, on va du simple warung aux cuisines d’hôtels internationaux, en passant par le spot trendy, le bistrot, quelques restaurants « fusion », le resto cher où il est bon d’être vu, les établissements de « la rue de la faim » qui sont très budget pour la plupart. Certains des restaurants de cette rue servent une cuisine à prix presque coûtant et ont pour seule raison d’être la fierté de leur propriétaire fortuné. On y trouve aussi des endroits plus up market qui servent une cuisine plus classique autour des saveurs et des valeurs de la cuisine bourgeoise ou familiale. L’occasion de célébrer tous ces souvenirs gustatifs liés à l’enfance, comme le bon goût beurré d’une purée ou le craquant d’un millefeuille monté à la minute se mélangeant à l’onctuosité de la crème mousseline à la vanille… Ah ! La légèreté d’un soufflé où la superposition de chaud et froid de la glace vanille et de la sauce chocolat chaude contrastent avec la légèreté d’une coque de choux…

François Seurin

La suite le mois prochain… « Pour en finir avec les blasés de la mini portion »

motard dans la cendre

motard dans la cendre
merapi novembre 2010

face sud du merapi

face sud du merapi
paysage de désolation après le passage des lahar