L’ogre et le petit Bule ou chronique de l’arnaque ordinaire

La Gazette de Bali, par le courrier des lecteurs, a abordé dans son numéro du mois d’août le sujet des arnaques. Ces « Bule désargentés » ne sont pas les seuls à souffrir d’un système qui semble bien rodé. Quelques mois de vie à Bali et quelques rencontres permettent de faire l’amer constat de pratiques douteuses : la communauté française de Bali compte de nombreux escrocs.
De la rapine minable à la franche escroquerie, qui mènerait en France à l’ombre des cachots, tous les genres sont représentés. Hélas ici point de recours ; un procès ? La justice indonésienne n’a que faire des litiges entre Bule. Dans le meilleur des cas, un jugement favorable qui ne pourra jamais être exécuté et des frais qui viendront s’ajouter à la déjà lourde addition. Cette impunité est mère de toutes les audaces.
Il est difficile de faire le portrait de notre escroc, il est là depuis 17 ans ou depuis 2 ans, ici la malhonnêteté n’attend pas le nombre des années d’expatriation. Rassurant, il a souvent une gentille famille, même des enfants indonésiens adoptés ! Un être généreux qui a évité à ces malheureux une vie si difficile (l’adoption à Bali, c’est un autre sujet, on pourrait aussi en parler… ). Il roule en 4X4 noir à verres fumés (celui-là même que jalouse secrètement Rainer), ou seulement en bebek, il habite une maison pharaonique ou une charmante maison balinaise, en bref, impossible de faire le portrait robot de notre escroc.
Alors passons aux faits, tout d’abord la rapine, le préjudice est faible pour le petit Bule comme l’est le profit pour notre homme, mais la répétition du minable larcin doit quand même payer si l’on en croit le nombre d’anecdotes rapportées. La recette est toujours la même : prendre un Bule tout neuf, lui offrir une Bintang ou un déjeûner au Warung Murah. Il cherche à louer une moto, le voilà conduit chez Gede, un ami, qui lui réserve un tarif de faveur. En réalité deux fois le prix. Et Gede reconnaissant partagera le bénéfice avec notre sinistre. Il veut louer une maison, notre homme en a justement une sous la main, elle vient de se libérer et n’est vraiment pas chère, mais il faut sauter sur l’occasion car à ce prix à Bali les locations partent dans la journée ! Une belle commission pour notre minable et un engagement d’un an ou plus pour notre petit Bule qui constatera avec amertume plus tard que la maison n’est vraiment pas une affaire.
Les exemples peuvent être conjugués à l’infini, les meubles, les voitures, l’électroménager, les plantes, les langoustes, le vin et le champagne (et oui, on est français !), tout ce qui s’achète et se vend ! Ce système « gagne petit », aussi consternant soit-il, n’est rien à coté des graves escroqueries qui se pratiquent autour du rêve de tout un chacun. Une « maison à Bali », les rizières, les bale, les toits en bois et alang-alang. Que celui qui n’a pas rêvé de son petit paradis lève le doigt. Et pourtant combien de rêves anéantis ?
Ainsi l’histoire de cette famille, plusieurs voyages à Bali, des vacances de rêve, et la dernière fois, retrouvailles avec une connaissance rencontrée il y a quelques années dans un autre lieu de vacances. On avait échangé les adresses, on s’envoyait un email de temps en temps, on s’était trouvé des connaissances communes, il est vrai qu’on est de la même région. L’ami a pris sa retraite à Bali et réservera à notre famille, l’été dernier, le meilleur accueil. Tiens, comme ça se trouve ! Il vient d’acheter un magnifique terrain, si grand qu’il va le lotir, des amis et parents à lui sont déjà sur les rangs mais quelques ares sont encore disponibles. L’affaire est rondement menée, notre petite famille repart avec la certitude que les prochaines vacances seront réservées à la mise en œuvre du rêve balinais.
Bien sûr notre famille a envoyé un premier acompte substantiel à notre escroc, qui n’a pas manqué de lui dire qu’il commençait les travaux de bornage, de viabilisation de l’ensemble et faisait préparer les actes notariés. Notre petite famille a même rencontré en France ses futurs voisins balinais, tous connaissent depuis des années notre lotisseur, un ami, un homme qui a réussi et pris prématurément une retraite bien méritée, tous ont envoyé leur acompte.
La suite : le terrain n’a jamais appartenu à notre escroc, il annoncera la bonne nouvelle à la descente de l’avion, reconnaîtra qu’il n’est pas en mesure de rendre l’argent qu’il a croqué à belles dents et proposera généreusement une reconnaissance de dettes avec un timbre à 6000 roupies…
Autre cas de figure, l‘ami de longue date Il vit à Bali et sera un conseiller précieux pour cette famille qui vient s’établir dans l’« île des dieux » et va commencer la construction de sa maison. L’ami va présenter un constructeur, le même que le sien, il fait aussi construire une maison, il affirme que le prix est correct. Les travaux avancent doucement, les mêmes équipes pour les deux chantiers distants d’à peine un kilomètre, le constructeur multiplie les demandes d’acomptes bien au-delà de l’avancement des travaux, des problèmes, des questions : en définitive l’ami avait fait gonfler la facture du constructeur et faisait réaliser ses propres travaux sans bourse délier.
Ce qui semble extraordinaire, c’est le silence assourdissant autour de ces pratiques et de leurs auteurs. Ils sont connus : ceux qui s’en plaignent se voient toujoursrépondre : « Untel ! Bien sûr que c’est un escroc, tout le monde le sait ! » Ah bon ! Et pourquoi ne pas l’avoir dit plus tôt ? Comme s’il y avait chez ces anciens expatriés une jouissance secrète à voir les nouveaux arrivants connaître les mêmes difficultés que celles qu’ils ont sans doute connues à leur arrivée, en quelque sorte une forme de bizutage.
Alors il reste à inventer une machine à éradiquer ces nuisibles, un site internet, une association de défense des rêveurs ? Et surtout crier sur tous les toits ce que font les uns et les autres, en exhortant à la prudence.
Dorothée Weil
Cher Cyril,
Merci pour votre courrier franc et direct, je vais tâcher de l’être aussi au risque de froisser des susceptibilités. Disons alors que ce courrier n’engage pas le journal mais simplement son auteur en qualité de citoyen investi dans le devenir de Bali.
D’abord, je voudrais préciser que je suis surpris par l’instinct de propriété de ceux qui nous contactent à travers le journal et surtout par l’Internet. Ils ne sont pas encore installés, ils ne connaissent encore rien à Bali qu’ils veulent déjà acheter un morceau de rizière et veulent tout apprendre du hak milik et du hak pakai. Pour ma part, je pense que ces belles rizières, la richesse paysagère de Bali, mais aussi l’instrument de production alimentaire, actuel et futur, de la céréale la plus consommée au monde, sont en danger ! A l’heure où le monde a connu ses premières émeutes à cause de l’augmentation des denrées alimentaires, il est urgent de réfléchir à la disparition des rizières.
J’ai décidé d’illustrer votre propos par une photo d’un projet en cours dans une rizière d’Umalas. Je n’en connais pas le promoteur mais je trouve cette photo très représentative de l’esprit de ceux qui stérilisent les rizières pour y installer des villas. Je pensais que c’était une zone verte protégée et puis soudain, il y a quelques mois, des ouvriers sont arrivés et ont percé une route en plein centre de cette rizière magnifique. Sans doute le propriétaire a-t-il eu les connexions nécessaires au cadastre pour déclasser la zone… Mais là n’est pas tant le problème. Ce qui m’étonne le plus, c’est que la villa n’offre même pas de vue sur les rizières, les murs la dissimulent totalement sans doute par peur des voleurs, et ils sont légion à Umalas et Canggu d’après mon ami Nicolas qui me tanne depuis des mois pour que nous écrivions sur le sujet dans le journal. Alors à quoi bon bétonner une rizière, sacrifier en quelques jours le long travail de paysans à travers des siècles pour construire une villa totalement repliée sur elle-même, petit coffre-fort enchâssé au milieu de rizières, comprenant l’écran plasma de rigueur et quelques babioles pour justifier d’un tarif de location de 300 dollars la nuit ?
Je comprends bien que s’il n’y avait pas de paysans pour vendre ou louer leurs terres, il n’y aurait pas de villa. On ne peut pas non plus s’opposer au développement. Mais de quel développement s’agit-il à Canggu ou Umalas ? Comme le soulignait Magali dans son courrier de la Gazette du mois de juin, reprenant un article du Courrier International concernant une petite paysanne d’Umalas, nous avons notre part de responsabilité dans le développement de Bali. Alors quelle solution pour tous ceux qui veulent bâtir à tout prix ? J’observe que certaines personnes conscientes de ces enjeux se contentent de réhabiliter des maisons déjà existantes ou bien construisent sur des terres non agricoles.
Il y a une vraie contradiction entre le désir des gens de se fixer à Bali, en partie pour ses célèbres rizières, et de les bétonner dès que possible pour se construire un ensemble de villas et même son petit chez soi, la taille du projet ni son objet n’excusent rien !
Concernant la dernière partie du courrier sur la propriété intellectuelle, artistique et industrielle (attention à ne pas tout mélanger), le hasard a voulu que l’édition de juillet l’aborde à travers trois articles, bien observé ! Vous avez la dent dure contre Roberto Tenace, peut-être l’article a-t-il usé de trop de raccourcis pour que vous vous fassiez une idée juste de son combat. Si je prends la plume pour le défendre, ce n’est pas parce qu’il soutient ce journal par son encart publicitaire. Il me semble avoir une vraie pensée à long terme pour l’Indonésie et la qualité de ses artisans.C’est un homme courageux et seul face à l’adversité. J’ai assisté au mois de juillet à une très intéressante réunion où un spécialiste indonésien de la propriété industrielle, descendu de Jakarta pour le procès qui oppose John Hardy à un Balinais, a rencontré les copieurs de Sens’O, la marque de Roberto Tenace. C’était intéressant d’entendre cet homme expliquer que l’artisan est tout aussi responsable que son client quand il réalise des copies. Roberto en a profité pour annoncer qu’il ne toucherait pas une roupie des royalties qu’on lui devait, il a le projet de verser toutes ces royalties pour monter une école de design afin que les enfants de ses contrefacteurs ne soient pas obligés de copier et qu’ils gagnent mieux leur vie ! Quelques semaines plus tard, le 4 août, il m’a annoncé qu’un des copieurs avaient décidé de payer des royalties, la première bataille est gagnée !
Il y a bien sûr un parallèle entre mes propos sur l’immobilier et ceux sur la propriété intellectuelle : notre place ici, ce que nous déséquilibrons, ce que nous pouvons apporter pour le futur. Pour ma part, j’avoue que je soutiendrai ce projet d’école du design dans le droit fil de ce que le Père Maurice a monté en 1982, l’école de sculpture Sasana Hasta Karya à Gyaniar, sur laquelle nous avons écrit un article en janvier 2006 dans la Gazette.
Socrate Georgiades

Enervements, enervages et enervabilité

Le rotin synthétique, objectivement, c’est moche, non ? Je ne suis pas un fan du rotin en général, mais alors, ces meubles de jardin en plastique, vraiment, c’est à chier ! Des designs tristes à mourir et cet aspect clean… Et les arguments de vente, vous avez vu ? Ecologique, protection de l’environnement !? Du plastique imputrescible qui se retrouvera tôt ou tard dans une décharge sauvage et nous empoisonnera pendant des siècles ! Recyclable, sans doute, recyclés plus tard, peu probable… Sans parler du manque à gagner subi par ceux qui cultivent le rotin, ceux qui le travaillent traditionnellement, car ces matières synthétiques sont importées ! Le prix de ces horreurs ? Exorbitant ! Décidément, tout pour plaire.
Une autre vision du luxe ! Pour soutenir Rainer, encore une fois, et bien d’autres qui dénoncent la poussée de ces villas de rêve plantées sur 2 ares de terrain, flanquées d’une piscine au raz du salon, 2 m2 de pelouse et un frangipanier rachitique, je dis : misère ! C’est ça, le rêve, le luxe ?! Vingt villas, blocs de béton sans âme, toutes pareilles, sans verdure, sans horizon. Chez moi, on appellerait ça « logement social ». Du social à 250 000 $ minimum, pas mal… Le truc, pour faire avaler la pilule ? Quelques gadgets électroniques (écran plasma, WiFi internet, etc.) dont le montant ne dépasse pas 5000 $. Et les retours sur investissement garantis par le vendeur… Sérieusement, j’en parlais hier avec un ami qui est justement en train d’en construire trois, sur 8 ares. Il me disait que, pour construire ce genre de chose, sur 2 ares et demi, il fallait compter 40 000 $ maxi ! Ca, c’est le prix pour un petit projet, imaginez sur un gros. Mais il y a mieux, celui qui plante sa demeure au beau milieu des « rice fields ». Vue imprenable pour lui, et foutue pour les autres ! Un blockhaus au milieu de la verdure, une verrue, misère encore !
Je m’intéresse un peu au sujet car je cherche actuellement à me loger, construire moi aussi la villa de mes rêves. Considérant tous ces paramètres, c’est pas facile… Une des possibilités serait de contracter, avec quelques amis, une parcelle et de nous y installer. Récemment, nous avons eu une proposition à Canggu. Un terrain de 25 ares, portion d’une magnifique rizière, en forme de cirque, dont il suffisait d’assécher une partie afin d’être chez nous pour 25 ans ! Un endroit vraiment extra, comme on n’en trouve plus beaucoup. J’ai essayé de m’imaginer le paysage, après les travaux… Un site exceptionnel ravagé par notre égoïsme, notre insouciance. En effet, ce paysage qui nous enchante disparaitrait immédiatement dès que nous y serions installés ! Et il y a fort à parier que, dans les 5 ans à venir, bien d’autres auront la bonne idée de devenir nos voisins… Adieu la vue imprenable, l’exclusivité, vive le lotissement social ! J’ai bien entendu renoncé, cherché dans le village un terrain mieux adapté. On peut bien aller admirer le paysage à pieds et vivre un peu plus près de nos hôtes, les Balinais, partager un peu la vie du village, après tout ! A suivre… Comment peut-on affirmer aimer un pays et le défigurer en même temps, apprécier ses habitants et s’en protéger par des murs de 4 mètres ?
Pour finir, un petit mot sur la culture ou plutôt la copie, la propriété artistique… Deux articles intéressants dans la Gazette du mois de juillet ! Le premier de Wayan Dewa qui explique qu’un artiste balinais est avant tout un artisan au service de la communauté, que l’idée de postérité n’existe pas. Que l’invention ou la copie font partie du travail de l’artiste. Un autre article signé Socrate Georgiades à propos de la bataille menée par Sens’O et son patron. Deux opinions qui divergent aux antipodes ! Progressisme d’un côté, conservatisme de l’autre, arrogance contre humilité ? Entre les deux, il y a Christophe Dailly qui s’exprime sur le sujet. Pour lui, la parade, c’est l’imagination, la créativité, les procédés de fabrication. Plus sain, à mon avis, comme propos. En effet, vouloir protéger son casse-croûte, rien de plus normal. En revanche, les arguments et démarches employés par M. Tenace sont un peu douteux. Prétendre vouloir défendre l’intérêt de l’artisanat indonésien, des travailleurs locaux, là, je me marre ! Paye-t-il ses employés au tarif européen pour qu’ils puissent « aller se faire bronzer sur les plages » ? J’en doute ? Ses produits sont très bons, c’est un fait, il faut simplement accepter de rentrer dans le domaine public après avoir exploité une idée, se renouveler au lieu de s’accrocher fébrilement à une cause perdue d’avance. Le monde tourne vite, très vite, il faut sans cesse innover ! En fait, peut-être dis-je cela par pure jalousie car j’aimerais bien avoir un jour une idée de génie qui puisse assurer mes vieux jours ! Là, peut-être que je m’accrocherais de la même façon ! Voila, j’ai vidé mon sac, à bientôt.

Cyril Terrien

Au « bule argenté »

Bali, l’île du paradis, des esprits, enchanteresse par ses odeurs, ses couleurs, ses sourires, ses temples... On y prône la « Zen attitude ». Très difficile à suivre quand, par hasard, vous décidez d’y fixer votre pied-à-terre. En effet, début 2007, nous rencontrons par l’intermédiaire d’un ami, un couple de compatriotes qui se propose de nous aider dans l’édification de notre maison, qui sera « la maison de nos rêves ». Nous pouvons rentrer chez nous l’esprit tranquille, on nous promet qu’à notre retour tout sera terminé. Passent les premiers mois durant lesquels tout semble se dérouler à merveille. Mais les surcoûts, les rajouts - paiements honorés sur le champ - se font de plus en plus fréquents et ce, alors même que la construction n’avance plus. Et, quand nous nous étonnons de ce « stand by » malgré les sommes prohibitives d’ores et déjà réglées, nous sommes bercés par des excuses telles : une météo défavorable (ceci bien avant que la réelle saison des pluies ne commence), des cérémonies nombreuses et diverses (certainement plus que le calendrier balinais n’en possède !) et tout cela sur un fond d’amitié qui nous aveugle. Quand nous tentons plus fermement de faire le point, d’avoir accès aux factures et de leur soumettre nos craintes quant à un éventuel mélange de trésorerie... Cavalcade, silence radio, nos « Arsène Lupin » sont fuyants et injoignables. Bilan des courses : nous nous retrouvons dans une maison inachevée, plus que payée, truffée de problèmes et d’imperfections et rien d’officiellement signé ! Leur malhonnêteté n’a d’égale que notre naïveté pour ne pas dire notre bêtise !!! Et l’adage bien connu « les amis de nos amis sont nos amis », que nenni à Bali !! Mais il est un autre adage : « Bien mal acquis ne profite jamais… ».

Les bule désargentés

Une pensée de Bali

La vie semble si belle quand on se réveille face à la baie que le soleil inonde de ses premiers rayons ! Le bain de lumière sur l’ensemble de la maison me rappelle la beauté du dégel sous nos latitudes. Les feuillages en contre-jour présentent un contraste éblouissant de noirs intenses et de lumières clinquantes. Pas de programme dans l’instant, comme un souffle inhabituel pour moi dans le rythme des choses à faire. La « jam karet », temps élastique de Bali a à nouveau conquis mon esprit et me libère de cette sensation d’être dépassé par les événements avec laquelle je vis en Occident.
Avant hier, j’ai accompagné mon amie danseuse à une cérémonie de « pencaru » dans un village à 140 kilomètres d’ici. Le poids des sept heures de route nécessaires pour s’y rendre et en revenir n’a eu aucune importance et n’a pas rivalisé avec l’incroyable intensité de l’événement. Pas plus que les heures de patience une fois sur place pour attendre que trois « pedenda » (grands prêtres ) procèdent aux rituels. Ils incarnèrent les forces de Bouddha, de Vishnou et Shiva, afin que l’humain, les forces créatrices et le changement trouvent leur places et rétablissent un ordre apaisant. Leur intervention, liant les forces nécessaires aux offrandes et sacrifices que la communauté concernée avait réalisé la veille aura, après quelques heures, transformé les forces dérangeantes en les projetant dans un passé révolu et fait disparaître enfin les effet négatifs d’un désordre installé et bien regrettable.
Une journée inoubliable qui m’a encore apporté beaucoup pour avancer dans la compréhension de cette incroyable culture. La beauté des rituels, l’ambiance sonore inondant l’atmosphère, puis l’intervention finale des masques, auront été le support des symboles investissant ma conscience. Réceptif à quelques-un de ces symboles, j’ai pris conscience encore une fois d’une infime partie de cette logique qui rétablit l’équilibre entre les mondes du visible et de l’invisible et qui, finalement, a eu raison du problème. L’atmosphère dans le village a manifestement changé entre le moment de notre arrivée et celui de notre départ. Partis au lever du jour, on rentrera au coucher du soleil. A l’aller comme au retour, la route nous offre l’incroyable spectacle inanimé, mais envoûtant, du volcan Agung qui trône sur le paysage avec une présence comparable à l’immensité de l’océan qui lui fait face.
La route qui longe la côte traverse le lieu où en 1963 le feu du volcan a rejoint l’eau de la mer. L’atmosphère présente, 45 ans après, est encore imprégnée des forces alors mises en jeu. Peut-être pour rétablir un équilibre que l’humain ne pouvait rétablir seul, la nature a dû prendre en main sans ménagement le contrôle des équilibres. La planète nous réserve sans doute de nombreuses occasions de nous rappeler les forces de la nature et de nous faire réfléchir sur ce que nous sommes vraiment. Des occasions de nous faire prendre conscience de notre capacité parfois mal utilisée de joindre les mondes visible et invisible, de vivre en harmonie avec notre environnement, avant de le transformer en un monde qui nous échappe et qu’on finit par ne plus maîtriser. Souvent après avoir été trop convaincu du contraire ! Ces peuples que l’on ignore trop souvent ont peut-être beaucoup à nous apprendre, ou à nous réapprendre, pour que l’on retrouve des valeurs essentielles à une vie où règnent paix et sérénité. Apprenons à les écouter, acceptons qu’il existe d’autres langages pour les comprendre, au lieu de perdre une énergie incroyable à essayer de les convaincre que notre langage est universel. L’ouverture d’esprit n’est pas un amoncellement de connaissances et d’objets, mais la prise de conscience de leur sens profond. Bali est une des fenêtres ouvertes sur le monde de l’invisible où les Occidentaux ont parfois l’impression de voir un monde à l’envers. S’ils daignent parfois utiliser le miroir de leur conscience pour rétablir le sens de la lecture de ce langage, ils peuvent réaliser qu’ils ne sont pas seulement face au monde qu’ils ont devant les yeux, mais également sur l’axe où peut exister un équilibre avec ce qu’ils ont aussi derrière les yeux : leur « conscience ». Les forces incroyables de l’ego se trouvent compensées par celles de cet équilibre et laisse la place à une harmonie avec une incroyable sensation de bien être. Om, santhi, santhi, santhi Om.
M.D Marcel

la réponse de Frédéric Alliod, conseiller audio-visuel de l’ambassade…

Pourquoi ce festival et quelle programmation pour Bali ? Le Festival du Film Français a pour objectif de promouvoir la richesse de la création cinématographique française récente. Il s’agit tout d’abord d’une manifestation culturelle qui offre au public indonésien, français et à tous les amoureux du cinéma en général, la possibilité de voir des films différents qui n’auraient autrement pas la possibilité d’être projetés dans ce pays. L’enjeu n’est ni plus ni moins que celui de la promotion de la diversité culturelle.
Il s’agit ensuite d’une vitrine commerciale pour les films français grands publics. L’objectif est de tester dans les salles, en partenariat avec les distributeurs et exploitants indonésiens, des films dont ils pourraient potentiellement faire l’acquisition. Outre le simple soutien aux exportations françaises, l’exploitation commerciale d’un film permet le prolongement de sa diffusion culturelle à l’échelle nationale. Il s’agit enfin d’un outil de coopération, de partage des savoirs et des compétences. C’est pour cela que nous avons organisé différents ateliers, discussions et rencontres professionnelles (« réalisation de vues lumières », « création de costumes pour le cinéma », « discussion sur l’œuvre de Maurice Pialat »…) à Jakarta et Yogyakarta.
Le festival a eu lieu dans 7 villes : Jakarta, Lampung, Bandung, Yogyakarta, Semarang, Surabaya et Kuta (Bali). En tout, 28 films (dont deux avant-premières) ont été présentés lors de cette 13ème édition du Festival du Film Français en Indonésie. Très diversifiée, la programmation a été saluée par la presse et par le public qui est venu en masse. Organiser un tel festival en province présente, il est vrai, différents défis. Sans me perdre dans les détails, je mentionnerai cependant le défi logistique : montrer une sélection de films de qualité dans différentes villes, sans pour autant bloquer les copies en Indonésie puisque celles-ci repartent ensuite dans d’autres festivals à travers le monde. Malgré tout, nous avons fait le maximum pour présenter 4 films à Bali cette année. La sélection des films projetés en province, dont « Serko », « Mon petit doigt m’a dit », « Les témoins » et « Flandres, s’est faite parmi les acquisitions récentes du Bureau du Film du Ministère des Affaires Etrangères. Chaque année, le MAE achète les droits de projection non-commerciale de films français de qualité, jugés représentatifs de la puissance artistique de notre cinéma. « Serko », magnifique film d’aventure, offre un spectacle inédit aux spectateurs de Bali. « Mon petit doigt m’a dit », adaptation d’un roman d’Agatha Christie, est un film à la fois drôle et mystérieux, intelligent et divertissant. Dans la veine du grand cinéma d’auteur français, « Les témoins » est brillamment mis en scène et interprété : César 2008 du Meilleur Second Rôle Masculin, le film a également reçu trois autres nominations et était en compétition pour l’Ours d’or de Berlin. Le sujet peut plaire ou pas, cela n’entame en rien les qualités artistiques de ce film. Vient enfin « Flandres ». Grand Prix du Festival de Cannes 2006. Œuvre radicale, certes. Surréaliste cependant. Par sa violence sans complaisance, il concerne un public plus limité. Est-il néanmoins moins acceptable que les films d’horreur « gores » dont sont friands les adolescents indonésiens ? Nous avons offert l’opportunité au public de Bali de découvrir ce film célébré par la critique internationale. Cela a été également le cas à Jakarta et dans d’autres villes où, même si le film a été diversement apprécié, la démarche a été saluée. Au total, à Bali, le festival a attiré 830 spectateurs, ce qui est tout à fait satisfaisant.
Le Festival du Film Français en Indonésie est organisé sous le haut patronage du Ministère de la Culture et du Tourisme. Tous les films sont soumis au Comité de Censure. Nous suivons leurs recommandations. Comme dans de nombreux autres films, « Les témoins » et « Flandres » montrent des scènes intimes. Une fiche d’instruction a donc été éditée, indiquant au projectionniste les séquences pour lesquels le floutage est exigé. Spontanément, et bien que le festival en province soit gratuit, nous avons fourni des tickets à nos relais locaux leur permettant de contrôler et de filtrer les spectateurs. Le catalogue proposait un synopsis pour chaque film. L’édition 2008 du Festival, dans sa globalité, a atteint ses objectifs. C’est un succès à la fois critique et public. Nous offrons au public d’avoir le choix. Une alternative. Cela étant précisé, il convient pour nous de faire le bilan et d’en tirer les conséquences. Bien loin de nous l’idée de choquer ou de déplaire sciemment. Si ces films d’auteurs, pointus et exigeants, ne trouvent pas leur public à Bali, nous nous adapterons. Fort de cette expérience, nous composerons pour la prochaine édition un programme plus diversifié, composé de films divertissants mais également de films en phase avec la société française et la création cinématographique contemporaine. Et si possible, un festival avec plus de films, grâce au soutien que pourrait nous apporter de nouveaux sponsors.

festival sinema prancis

Bonjour à toute l’équipe,
nous n’étions pas nombreux au festival du cinéma français de Denpasar le week-end dernier mais je voudrais vous faire part de quelques réflexions à ce propos. J’ai vu un film très violent, je m’étonne qu’il ait été choisi, je m’étonne encore plus qu’il ait passé la censure indonésienne et surtout que les spectateurs n’aient pas été prévenus du fait que certaines scènes étaient très choquantes. Il s’agit de « Flandres ». Ce n’est pas un mauvais film, loin s’en faut mais ce n’est surtout pas un film grand public. Les trois- quart des spectateurs indonésiens ont quitté la salle avant les deux tiers du film. On assistait au viol, filmé d’une manière insupportable, d’une femme musulmane par des soldats chrétiens et français. J’ignore si la personne qui a choisi de nous projeter ce film vit en Indonésie mais son choix témoigne d’un mépris intégral de la culture indonésienne. Sans doute un sentiment d’arrogance et de supériorité de la culture française : le cinéma est né chez nous et nous allons vous montrer ce que c’est que le vrai cinéma… Pour terminer, je vous laisse imaginer un festival du film indonésien à Paris, avec un petit film presque sans dialogue, peut-être dans un coin perdu au nord de l’Indonésie, ça s’appellerait Sulawesi. Un peu intello, un peu théâtral, bien épuré, sans aucun repère chronologique ni factuel. Les paysans partent à la guerre (on ne sait pas laquelle) et sur le chemin ils violent une femme française. La camera ne nous épargne aucun détail sur l’anatomie de la victime. Allez, libérez votre imagination... et soutenez le cinéma français, il est rebelle !
Patrick

A l’attention de ceux qui ont choisi les films.

Cette année, très peu de Français sont venus mais beaucoup plus d’Indonésiens que d’ordinaire. La gratuité des entrées y a probablement contribué ! Ces Indonésiens sont souvent venus en famille, on entendait même des petits enfants. Le programme, outre « Serko », film pour les enfants, était : « Mon petit doigt m’a dit », « Les témoins » d’André Téchiné et « Flandres ». Pour commencer, « Mon petit doigt m’a dit », film original, loufoque et assez tortueux dont on avait un peu de mal à suivre l’histoire, nous les Français. Donc, je ne sais pas trop ce que les Indonésiens ont compris. Puis « Les témoins », un film sur les homosexuels et le Sida, pas le meilleur dans le genre, à mon avis, mais bon… Je ne sais pas si c’était une très bonne idée de montrer des hommes qui s’enc… à des jeunes Indonésiens. En tout cas, ça a fait des remous dans la salle, des oh et des ah !! De plus, l’héroïne laisse le père de son bébé se faire enc… sans sourciller, elle-même n’étant pas un exemple de fidélité ! Pour terminer, j’ai essayé de regarder « Flandres » mais j’ai dû interrompre assez rapidement à cause des scènes
de guerre d’une rare violence : têtes qui volent, sang partout, viols. Je ne suis pas la seule qui soit partie, d’ailleurs. Je considère qu’un film comme cela devrait être interdit aux moins de 13 ans, ne serait-ce que pour ces scènes ! Par ailleurs, au début du film l’héroïne, Barbe, lors d’une promenade dans un champ, baisse brutalement pantalon et culotte et invite son compagnon à la tronc…, ce qu’il fait aussi sec. Excusez le vocabulaire, mais ça correspond à l’esprit de la scène. Vous imaginez bien que les mères indonésiennes, prises par surprise, n’ont pas eu le temps de mettre la main devant les yeux de leurs progénitures. Donc, si vous considérez vraiment que ces films sont représentatifs de la culture française (!!), je pense qu’il serait cependant une bonne idée de mettre des pancartes « Interdit aux moins de… ».
Merci de m’avoir lue !
Nancy Causse Yogya

au sujet du dernier Festival du Sinema Perancis

Bonjour à vous,
Je vous écris pour vous dire que j’ai été choquée par tous ces films (4 au total) dont aucun représentatif de notre culture du cinéma français. « Serko » : la moitié des dialogues ne sont pas en français, « Les témoins » : on se passe franchement de ces scènes de voyeurisme, « Mon petit doigt m’a dit » : les acteurs sont français certes mais l’humour est un peu particulier, « Flandres » : scandaleux ! Les organisateurs ayant choisi ces films n’ont pas dû penser qu’ils allaient les projeter dans un pays musulman et les destiner à un public indonésien sensible à la langue et à la culture française. Il n’y a eu aucun respect pour le public et le pays destinataire. En organisant un festival, choisissez et regardez les films avant de les programmer et ne vous contentez pas de nous les balancer.
Bien à vous.
Natalie Masier

motard dans la cendre

motard dans la cendre
merapi novembre 2010

face sud du merapi

face sud du merapi
paysage de désolation après le passage des lahar