Comme promis, la suite de la découverte du site de Gunung Padang par notre contributeur Laurent Volk, sous la forme d’un journal. Après le topo d’introduction publié en août dernier, il nous livre ses premières impressions à la vision de ce qui pourrait constituer le plus grand site de l’histoire mégalithique de Java et par conséquent de l’humanité toute entière…

Première nuit passée à Bandung, une ville qui me charme par ses insolites édifices d’architecture Art-Déco et Bauhaus qui lui valent d’être surnommée « Paris van Java », après avoir volé une heure et demie au départ de Bali.
Déroutant a minima : ne se sont jamais rendus à Gunung Padang ni les réceptionnistes de l’élégant hôtel Savoy Homann dont le port altier me laissait pourtant entendre qu’ils avaient déjà tout vu et tout connu, ni mon ancienne et brillante élève Tanti devenue pétillante professeure au Centre Culturel Français avec laquelle je viens de sortir de bonne table sundanaise, ni même les deux jeunes et sympathiques guides francophones rencontrés hier soir par son canal, un comble ! Le plus grand site mégalithique d’Asie et plausiblement le plus vieux temple au monde n’est pourtant situé qu’à 70 kilomètres au sud-ouest de Bandung et ce n’est pas comme si cette région de Java pouvait déjà s’enorgueillir d’une montagne d’attractions touristiques, bien au contraire. Mes interlocuteurs ont toutefois reconnu être au courant des remous générés par les fouilles, « lagi ramai » (ça fait du bruit), mais avec gêne et en prenant grand soin de ne pas s’appesantir. Je n’ai pas insisté, en tout cas pas très fortement.
Je me mordille la barbichette d’avoir manqué moi-même de visiter Gunung Padang quand il m’arriva d’enseigner littérature et langue françaises dans une université de Bandung. Mais je peux me défendre sans peine de ce que Gunung Padang n’était alors l’objet de nuls articles dans la presse indonésienne, reportages télévisés, encore moins de mentions dans les guides de voyage, et de ce que la crise monétaire asiatique acculant l’Indonésie, les incessantes manifestations étudiantes, la mise à feu et à sac de plusieurs grandes villes de Java et la chute du dictateur Suharto qui s’en suivirent, eurent raison de mes désirs de découverte approfondie de l’ouest de Java en plongeant mon jeune esprit dans le cambouis des mécaniques de l’Histoire.


Quinze années plus tard, le vieux quartier continue de se visiter à pied en profitant du doux climat de moyenne montagne, l’emblématique rue Braga est toujours aussi animée et se cherche encore rivale, le somptueux bâtiment Asia-Afrika n’a rien perdu de sa splendeur et rappelle par ses innombrables drapeaux nationaux que la célèbre conférence de 1955 qui s’y tint fit de Bandung pour quelques jours le centre du monde. Mais, c’est pour le nouveau centre du monde que représente pour moi Gunung Padang que je suis de retour en pays Sunda et un autocar « ekonomik » - comprenez cinq sièges par rangée et karaoké de rigueur - me secoue le corps et les souvenirs en route vers Cianjur, bourgade pourvue d’un seul point de chute : un hôtel délabré de ceux qui ne se recommandent pas pour autre raison que le tournage d’un film policier. Peu importe, je me trouve désormais à moins d’une heure et demie du présumé plus vieux vestige de l’humanité, une voiture avec chauffeur m’attend demain huit heures, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, je n’ai plus qu’à m’endormir en comptant les camions et bus de nuit déboulant dans l’avenue, en moyenne deux par minute.


Jeudi 26 septembre 2013. J’ai dû m’endormir vraiment très tard car il m’a fallu longtemps pour réaliser qu’une main inconnue cognait la porte de ma chambre. Le soleil s’est levé sur la plaine de Cianjur, le ciel est bleu, le jour que j’attends depuis des mois, c’est aujourd’hui ! J’engloutis un mangeable riz frit assorti de légumes avec, posé à côté de mon assiette, le Cianjur Expres qui titre en une, ô surprise, « Warga Gunung Padang jangan Terprovokasi » (La population de Gunung Padang doit éviter de réagir aux provocations). Tiens, tiens, en voilà un décor bien planté ! Je monte dans la voiture où m’attend, les deux mains sur le volant, Mas Reda, un Sundanais peu volubile mais qui s’avèrera très dévoué. Il lui est arrivé une seule fois d’amener des touristes domestiques à Gunung Padang, ils semblaient très satisfaits de leur visite mais lui-même s’était abstenu de gravir la colline pour visiter le site archéologique, jugé « angker » (effrayant).
Nous avons suivi la départementale en direction de Sukabumi pendant une vingtaine de minutes avant de prendre un chemin de terre indiqué par une pancarte métallique mentionnant « Situs Megalit 20 km ». Nous passons par des champs de cacahuètes et des rizières en terrasses qui ont peu à envier à celles de Bali, traversons des villages de moins d’une dizaine de maisonnées, puis, gagnant en altitude, d’immenses champs de thé qui recouvrent entièrement les vallons. Notre voiture de ville est à la peine mais la frappante beauté des paysages l’emporte nettement sur l’inconfort du trajet. Une ligne de train reliait jusque six ans en arrière cette région reculée et Mas Reda me raconte qu’il est prévu qu’elle soit remise en fonction pour transporter les touristes quand ils afflueront en très grand nombre… Quand ? Il s’avance dans la presse que la restauration totale du monument, de deux cent mètres de haut et étendu sur une surface de vingt-cinq hectares, soit dix fois la taille de Borobudur, nécessiterait près de dix ans. Quel long chemin de patience, semé d’embûches de surcroît.


Nous venons de nous garer devant l’entrée du site, il n’y a pas foule. Les quelques warung en bois servant des soupes et des nouilles contrastent avec le centre d’informations en dur dont la construction vient de s’achever, aux panneaux explicatifs bien conçus, partiellement traduits en anglais. Les tickets d’entrée - 40 centimes d’euro pour les étrangers et 15 centimes d’euro pour les autochtones - sont ridiculement bas, même pour l’Indonésie. Je suis approché par Pak Alek, un villageois faisant partie du service d’accueil qui me confirme que les fouilles ont malheureusement été interrompues, une fois encore, l’usage de dynamite nécessaire à l’étude tomographique ayant soulevé des protestations des habitants. Je fais comme si je ne savais pas que quatre chercheurs ont été passés à tabac par des inconnus le 5 septembre dernier, un incident détestable qui a été étouffé mais dont j’ai pris connaissance directement par Andi Arief, le chef de l’équipe de scientifiques tentant de redonner vie à Gunung Padang, avec le soutien du président de la république indonésienne mais sans financement gouvernemental.
Pak Alek commence par me montrer une source d’eau à usage purificateur dont je m’asperge abondamment et que je bois, avant d’entamer la montée par le chemin ancestral constitué de blocs de pierre d’environ un mètre vingt de long posés en travers. La pente est très raide et il me faut retrouver du souffle à mi-parcours. Un nouveau chemin en béton a été construit pour rendre la montée moins difficile aux visiteurs mais je suis heureux de souffrir un peu. Comme j’aperçois maintenant le bout de ce vertigineux escalier de 370 marches, mon impatience augmente et j’accélère le pas. Oh la ! Je viens d’atteindre la première terrasse et je suis estomaqué par ce que je vois. Cela ne ressemble à rien de ce que j’ai vu jusqu’à ce jour, l’amas de mégalithes est gigantesque ! Pak Alek m’avait prévenu, « ils sont encore là » et j’ai effectivement l’impression d’entrer dans une demeure, sensations étranges dans mes jambes… C’est Gunung Padang ! Littéralement « montagne-lumière » ou « montagne pour Dieu », enfin ! Et quelle merveille ! Nous atteignons un endroit où des menhirs forment un enclos où gît une grande pierre, la seule du site à être plate, de forme ronde et de couleur ocre, vraisemblablement servait-elle comme autel pour les offrandes. Voisins d’une dizaine de mètres, Pak Alek m’indique deux blocs d’andésite qui ont la rarissime propriété de sonner toutes les notes du gamelan sur leur longueur. Il me fait une démonstration et sourit, satisfait. Il me raconte que souvent des visiteurs s’évanouissent ou tombent en transe ici. « Il ne faut pas avoir l’esprit vide ou mal intentionné », me dit-il. « C’est un lieu sacré où traditionnellement l’on vient pour prier les ancêtres. Pas seulement nos ancêtres mais les ancêtres de tous les êtres humains, ce site est universel », conclut-il avec conviction. Je demande à Pak Alek de me montrer l’excavation partielle du deuxième niveau de construction du monument, de deux à quatre mètres sous terre et carbodaté à 4500 ans av JC. Il m’y emmène avec enthousiasme et c’est là que je regrette vraiment que les fouilles n’aient cours, quel plaisir cela aurait été d’assister en direct à la renaissance de Gunung Padang, d’aider à porter quelques sacs, que sais-je. Car voilà, le monument ne se limite pas aux cinq terrasses supérieures, vieilles d’environ 2500 ans, que je viens de visiter et dont la configuration est assez similaire à Machu Picchu au Pérou, elles n’en sont en vérité que le toit ! A suivre.

Laurent Volk, le 15 octobre 2013
Une réaction négative à notre dossier « spécial entrepreneurs » de Sumba du mois d’août dernier…


Messieurs, en archivant le n° d’août de la Gazette, j’ai relu votre article sur l’après Bali à Sumba. A la première lecture, j’avais été choqué par ce que vous aviez écrit ou non écrit, ma relecture n’a fait qu’augmenter mon mécontentement. Je ne conçois pas que le rôle de la Gazette soit de faire de la retape pour des investisseurs ou spéculateurs immobiliers, de la publicité pour des activités commerciales tout en critiquant ce qui a fait évoluer Bali vers cet « enfer d’urbanisation ». J’espère qu’en se présentant avec un exemplaire de la Gazette, ces commerces font un discount car vous avez oublié de joindre des coupons de réduction. Sumba a d’énormes problèmes d’infrastructures, routes, approvisionnements, eau, santé... Et la venue  de touristes n’est pas ce dont ils ont besoin actuellement car, comme vous le dites, le tourisme n’apporte rien de bon dans ses valises. Enfin, parler de Sumba et de son développement sans faire référence ou même allusion à André Graff me semble relativement malhonnête ou imbécile mais il est vrai qu’il n’a rien à vendre.

Jean Marie Fillon

La réponse de la rédaction…

Monsieur Fillon, je suis bien désolé que vous ayez interprété notre dossier Sumba du mois d’août d’une manière aussi erronée. Notre mission est d’informer et de rendre compte de l’actualité de l’Indonésie. Nous avons noté depuis plusieurs années que Sumba fait rêver, en particulier des gens qui ne trouvent plus à Bali ce qu’ils sont venus y chercher, c’était le sens de mon édito et de l’introduction que nous avons consacrée à ce dossier sur trois pages.

Il y a mille manières d’aborder Sumba. On peut le faire en parlant des acteurs sociaux comme l’article que nous avions consacré il y a 6 ans à André Graff et ses puits (cf. La Gazette de Bali n°28 - septembre 2007). Il ne s’agissait pas cette fois-ci d’écrire un papier sur le sous-développement de cette île et ses famines récurrentes ou sa sécheresse dont nous avons cependant touché un mot. Il rentrait dans la catégorie « spécial entrepreneurs », comme le mentionnait le titre de page, parce que des gens ont le dessein de s’y installer pas seulement pour vivre mais aussi pour y mener des activités commerciales, certains comme Ali Derdouri y gèrent déjà un hôtel depuis plusieurs années avec d’ailleurs beaucoup de respect et de compréhension pour leur environnement socio-culturel.

Votre réaction urticante et disproportionnée vous range-t-elle dans la catégorie de ceux pour qui le commerce est un gros mot ? Vous pouvez sans doute avoir mille bonnes raisons de critiquer la manière dont les autorités indonésiennes entendent développer Sumba mais c’est un fait indéniable et c’est notre métier d’en parler. Nous n’avons rien à vendre même si le journal que vous tenez en mains est entièrement financé par les annonceurs. Enfin par souci de vérité et contrairement aux propos que vous nous prêtez dans votre courrier, nous ne disons pas que « le tourisme n’apporte rien de bon dans ses valises », une remarque par trop simpliste à notre sens.
Salutations.

Socrate Georgiades
Enième épisode des aventures médicales qu’on peut vivre en Indonésie, celle-ci, un accouchement, se termine heureusement bien pour tout le monde avec même un coupon massage et des soins pour les cheveux…


Je vous écris pour vous faire part de l’aventure de la grossesse de ma femme et de son accouchement, heureusement avec un happy end puisque mon fils est en pleine forme. Je passe sur le difficile choix des packages pour les accouchements à Bali, entre 3 et 98 millions, jacuzzi, massage et brushing compris. Je passe aussi sur le fait que les médecins conseillent fortement l’accouchement par césarienne quand il s’agit d’un enfant mixte parce qu’ils ont peur qu’une Indonésienne ne puisse pas accoucher d’un enfant de plus de 3 kg à moins qu’une césarienne ne soit bien plus lucrative… Nous avons refusé la césarienne, moi par principe et ma femme indonésienne parce qu’elle ne voulait pas de cicatrice. Notre choix s’est porté sur la maternité de XXXX, non loin de Sanglah à Denpasar pour un package à 17 millions avec suite de luxe. Autre particularité d’une grossesse à Bali, en guise de préambule, le fait que les médecins conditionnent les femmes enceintes pour qu’elles prennent des vitamines (500 000 Rp/mois) et du lait en poudre spécial femme enceinte tout au long de leur grossesse, ma femme y croyait tellement dur comme fer qu’il n’y avait aucun moyen de lui faire entendre raison… Jusque-là, on est OK, la médecine, c’est du business, à Bali et ailleurs, on est d’accord. Là où ça se complique, c’est au moment tant attendu de l’accouchement.

On se présente à 1h du matin à la maternité, ma femme commençait à perdre ses eaux. On nous fait entrer dans ce que je croyais être une salle d’attente, il y avait des traînées rosâtres sur les murs et beaucoup de bruit. Comme le col de ma femme n’était encore dilaté qu’à 2 et que de toute façon, le médecin n’arrivait pas avant 10h du matin, on nous a fait monter dans notre chambre. La suite en question est vieillotte, les meubles sont écaillés, la clim pue, le rideau menace de tomber, c’est sale mais on ferme les yeux. Enfin, pas tout à fait, j’appelle en vain les aides-soignantes pour qu’on lui change son alèse, j’insiste, je vais me placer auprès du poste de garde et enfin, quelqu’un daigne se déplacer. A midi dix, ma femme descend en salle d’accouchement, en fait la même pièce que la veille. A la lumière du jour, je me rends compte qu’elle est traversée par les fourmis, envahie par les mouches et que nous devons lutter contre les moustiques, toutes ces bestioles certainement attirées par l’autel et ses offrandes dans un coin de cette salle nullement aseptisée. Il y a du bruit dans cette pièce qui comporte 5 alcôves, on entend les femmes accoucher, la famille commenter, on se croirait dans un warung…

Nous sommes dans un isoloir, séparé par un rideau sauf que notre alcôve est la seule à comporter un lavabo alors tout le monde débarque à l’improviste pour s’y laver les mains, visiteurs et personnel soignant… Ah oui j’oubliais, notre alcôve comporte aussi une porte par laquelle le personnel passe pour évacuer les déchets !

On avait pris un package avec péridurale qui doit se faire normalement à 4 de dilatation mais l’anesthésiste est arrivée alors que ma femme se tordait de douleur, elle était déjà à 8. J’avais certifié à ma femme qu’elle ne sentirait rien, mon ex-femme française avait accouché avec le sourire sous péridurale… J’ai dû leur prêter main forte pour poser cette aiguille mais ça n’a pas fonctionné et ce malgré la deuxième dose injectée 45mn plus tard.

A 14h, alors que ma femme hurle de douleur parce que la péridurale n’a pas fait son effet, le personnel soignant déserte tout à coup et 4 personnes de l’administration font leur apparition. On me fait signer des paperasses, je ne comprends rien, du genre une décharge parce que nous avons refusé la césarienne et surtout on me demande de verser de l’argent, davantage que l’acompte de 5 millions déjà payé la veille. Je me fâche, leur fais remarquer qu’il y a des moments plus appropriés pour parler d’argent mais je finis par obtempérer, j’ai envie de tout casser, je vais payer et l’équipe soignante revient.

Finalement, ma femme accouche deux heures plus tard, jusqu’à la fin, elle s’est tordue de douleur. Le lendemain matin, au moment de payer le solde, je remets une lettre au directeur en demandant des explications et aussi un dédommagement à hauteur du surcoût entraîné par la péridurale ratée. Une heure plus tard, cinq personnes débarquent dans la chambre, les mains jointes pour s’excuser du préjudice causé, en remerciant des informations fournies sur la maternité parce qu’ils ne savent pas comment elle fonctionne… J’apprécie leurs excuses, je suis encore sous le choc de cette expérience de la veille mais je réitère ma demande de dédommagement. On me sort finalement une enveloppe de 8 millions en cash accompagnée d’un voucher soins pour les cheveux, d’un massage et du taxi de retour jusque chez nous.

Olivier

motard dans la cendre

motard dans la cendre
merapi novembre 2010

face sud du merapi

face sud du merapi
paysage de désolation après le passage des lahar